Ce printemps 2016, nous sommes aux Nuits debout dont l’effervescence s’oppose aux logiques de profit, refuse la soumission au marché, prône le temps libre, appelle chacun à se réapproprier l’espace public et politique en occupant des places, en suscitant des débats et en élaborant des contre-propositions aux diktats du néolibéralisme. Malgré la répression et les violences policières quotidiennes, nous nous organisons pour sortir du cadre institutionnel, politique, syndical, corporatiste, patriarcal, sexiste qui nous y condamne.
Regardant la mutation des formes de gouvernement depuis notre lucarne de l’intermittence, nous voyons que chaque réforme a accru les processus de morcellement et d’individualisation, tout en augmentant la précarité. Cette conjonction des luttes, où se mêlent étudiants, intermittents, lycéens, intérimaires, chômeurs, salariés, avec ou sans papiers, est le symptôme joyeux de l’émergence d’une subjectivité politique.
Pas de droit du travail sans droit au chômage !
Nous restons mobilisés contre le projet de loi « travaille ! » qui annonce encore plus de flexibilité et d’insécurité et qui n’épargnera aucun secteur. Nous exigeons son retrait total. Ce projet de loi contient notamment un article 52 qui nous scandalise : l’autorisation légale donnée à Pôle Emploi de récupérer des présumés indus sans avoir à s’en justifier avant application. Cette pratique, aux conséquences parfois tragiques pour les chômeurs, a pourtant été annulée par le Conseil d’Etat le 5 octobre 2015 suite à notre saisine.
Le smic jour pour chacun est un minimum
Nous avons lu la feuille de route du Medef sur la réforme du régime général de l’assurance chômage qui est en cours. Elle est annonciatrice d’un laminage catastrophique. Elle va à l’encontre de l’intérêt des demandeurs d’emploi les plus fragiles.
Elle vise plus particulièrement ceux qui ont une activité réduite et discontinue. Elle préconise ainsi l’inverse exact du régime spécifique des annexes 8 et 10, elle s’oppose noir sur blanc à une couverture sociale étendue à tous les salariés à l’emploi discontinu.
Elle a pour autres objectifs d’attaquer une grande partie de la population des seniors en raccourcissant leur durée d’indemnisation, d’augmenter les contrôles pour la « remise au travail », de pousser à des formations ne correspondant qu’aux besoins des entreprises, à la création d’entreprise et à l’auto-entrepreneuriat pour faire baisser les chiffres du chômage.
Le devoir du chômeur devient la règle, le droit une récompense. Pour priver les chômeurs de la maîtrise de l’état de ses droits, elle conseille à la fois de moduler leur indemnisation en fonction de la courbe du chômage, et de la rendre dégressive en cas d’insuffisance de recherche d’emploi.
Nous sommes déterminés à lutter contre la gestion paritaire de l’UNEDIC où des négociateurs non représentatifs établissent des règles « d’activation » des chômeurs, structurant l’obligation du retour à l’emploi à n’importe quelles conditions et à n’importe quel prix.
Trop beau pour être vrai ? Annexes 8 et 10, rien n’est encore gagné !
Attention, il faut savoir et faire savoir que l’accord sur le régime spécifique d’assurance chômage des intermittents, signé dans la nuit du mercredi 27 au jeudi 28 avril 2016 par tous les syndicats de salariés et des employeurs des secteurs du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel, n’est absolument pas entériné. Il doit être signé par les partenaires sociaux au niveau interprofessionnel pour être appliqué.
L’impact financier de cet accord doit être mesuré par un comité d’experts et les statisticiens de l’UNEDIC, et être présenté aux confédérations pour avis, amendements, accord ou refus autour du 25 mai, soit après le festival de Cannes et avant celui d’Avignon... À ce stade, rien n’est joué.
Le maintien du financement du régime spécifique des annexes 8 et 10 dans la solidarité interprofessionnelle est un préalable irrévocable pour la CIP IDF, or il n’est toujours pas garanti. Manuel Valls n’exclut pas sa prise en charge partielle par l’État ; cette question reste « en suspens », a précisé Matignon. Nous récusons catégoriquement toute participation spécifique de l’État qui préfigurerait le principe d’une caisse autonome et dépendrait chaque année des humeurs du gouvernement en place.
La lutte construit nos droits
Nous prenons acte que ce nouveau protocole rétablit certaines règles réformées il y a 13 ans. S’il n’est pas retoqué, il reprendra nombre de nos revendications. Après une première lecture et des points flous à éclaircir, en voici les grandes lignes :
- 507 heures à réaliser en douze mois pour les techniciens comme pour les artistes
- date d’examen des droits pré-fixée
- plancher d’indemnisation journalière fixé à 44€/jour
- cachets à 12 heures quelque soit la durée du contrat pour les artistes et réalisateurs
- prise en compte de 70 heures d’enseignement pour les artistes et techniciens,120 heures pour les plus de 50 ans
- prise en compte des affections de longue durée à raison de cinq heures par jour,
- meilleure prise en compte du congé maternité indemnisé pour une ouverture de droit
- amélioration de la clause de maintien de droit jusqu’à l’âge de la retraite
- abaissement du plafond de cumul allocation et salaire à 1,18 fois le plafond mensuel de la sécurité sociale sur 3 mois
- instauration d’un nouveau différé d’indemnisation lié aux congés payés
- cotisation patronale augmentée de 1%.
Deux annexes distinctes sont toujours préférées à une annexe unique et les heures réalisées au régime général ne seront pas comptabilisées.
Nous voulons faire une étude précise du texte, en décrypter et analyser tous les contours. Nous tenons à réaliser des simulations pour connaître et faire connaître l’impact de la nouvelle formule de calcul de l’allocation, celui de la franchise et du différé relatif aux congés payés.
Pour autant, d’ores et déjà, nous ne sommes pas dupes : ce focus sur les intermittents sert aussi à faire oublier les mesures qui pourraient être prises contre les autres chômeurs.
Une brindille qui cache la forêt ?
Nous ne pourrons pas nous satisfaire de l’obtention d’une protection sociale convenable qui ne concernerait que 115000 chômeurs sur 6 millions.
Étendons-la et faisons que 10 chômeurs sur 10 soient décemment indemnisés !
Nous réaffirmons que le régime des intermittents du spectacle s’inscrit au cœur de la solidarité interprofessionnelle et qu’il peut devenir un modèle d’indemnisation du chômage pour tous les salariés à l’emploi discontinu. Nous avons conçu un nouveau modèle de droits sociaux collectifs dans cet objectif. Sachant que nos propositions ont été chiffrées et reconnues comme viables pour le régime spécifique des intermittents.
Les partenaires sociaux ont jusqu’à fin juin pour se prononcer et signer cette énième réforme de la convention d’assurance chômage. Pour être officiellement applicable, elle devra ensuite être agréée par le gouvernement. Le bruit court qu’il est possible que les négociations n’aboutissent pas et qu’il soit décidé de proroger d’un an l’accord 2014. Ce qui repousserait les négociations en 2017, après les élections présidentielles. Tiens donc ?
Nos actions ne connaîtront pas de pause
CIP IDF - 9 mai 2016