À partir de lundi, la durée de rétention passe à 45 jours, le passage devant le juge des libertés et de la détention s’effectuera après 5 jours d’enfermement, l’interdiction de retour de 3 ans entre en vigueur... et tout cela dans un silence assourdissant.
45 jours pour te punir de ne pas avoir les bons papiers
Le lundi 18 juillet 2011 de nouvelles dispositions de la loi sur l’immigration, dite « loi Besson », entreront en vigueur. Les personnes sans-papiers resteront désormais 45 jours en rétention au lieu de 32 auparavant.
45 jours enfermés, mis à disposition de l’administration pour qu’elle organise l’expulsion. Cela veut dire 45 jours dans l’angoisse de voir son nom affiché sur la liste des vols, dans l’angoisse d’entendre son nom résonner dans les hauts-parleurs, dans l’angoisse de voir les flics débarquer dans sa chambre.
45 jours où lorsque toutes les portes de sortie du labyrinthe juridique se sont refermées les unes après les autres, trop de gens n’entrevoient plus que l’auto-mutilation et la tentative de suicide pour échapper à l’expulsion.
Et si on a « la chance » de ne pas être expulsé, ce sont quand même 45 jours pendant lesquels on ne peut plus voir sa famille et ses amis comme on veut. 45 jours à ne plus pouvoir aller dans les endroits qu’on aime. 45 jours pendant lesquels on perdra peut-être son travail, son logement, ses affaires. 45 jours de volés par des fonctionnaires en uniforme ou en civil.
Dans le quotidien de ces prisons ce sont 45 jours où il faut mendier pour tout : avoir un stylo, avoir un médicament autre qu’un tranquillisant, avoir du feu pour allumer une clope, manger autre chose que la nourriture dégueulasse et parfois périmée du centre.
Mais peut-être aussi 45 jours où la solidarité et les révoltes collectives enrayeront la machine à expulser.
45 jours pour foutre le feu...
De toutes façons un jour de liberté volée, ce sera toujours un jour de trop, c’est ce que nous sommes allés rappeler ce jeudi 14 juillet sous les murs du centre de rétention de Vincennes en criant « liberté » en écho avec les retenus.
Ni rétention ni expulsion, liberté de circulation et d’installation !
Des papiers pour toutes et tous ou plus de papiers du tout !
Témoignage d’un retenu du centre de rétention de Vincennes
14 juillet 2011
"Ici, c’est très dur !
Tout à l’heure, il y avait plein de monde à l’extérieur qui ont crié « Liberté, liberté, liberté ! ». Nous aussi, on a crié « Liberté, Liberté, Liberté ! ». Puis, la police est venue. Ils nous ont calmé.
Juste après, il y a un mec, il a mangé des lames et des pièces de 50cts.
Il est tombé par terre. Il a vomi. Ils l’ont emmené à l’infirmerie. Ils lui ont donné un cachet. Ils n’ont pas appeler les pompiers !
Ici, c’est la merde !
La bouffe est toujours donnée à la date limite de péremption. Aujourd’hui, ce midi la bouffe est datée du 14 juillet. Je mange que le pain et le fromage. La bouffe pue ! Si je mange, je vomis. Aujourd’hui, il y avait de la viande, je l’ai mise dans la bouche, puis je l’ai vomis !
Ici , j’ai perdu 7 kg.
Je suis passé devant le juge (JLD), il m’a donné 15 jours. Ma femme a pleuré. Elle est enceinte de 4 mois. Elle a dit au juge qu’ elle avait besoin de moi. L’avocat n’a rien dit ! J’étais énervé, j’ai jeté le papier. Le flic m’a donné un coup. En m’énervant, je me suis blessé au bras. En revenant du tribunal, la police m’a mis dans le camion. La police m’a mis des coups. J’arrivais pas à respirer. Je saignais, le policier m’a mis un masque. J’ai saigné dessus. Le flic m’a dit : « Si tu mors le masque, je te mets dans la voiture, tu vas voir qu’est-ce qui va t’arriver. »
Ils m’ont ramené à Châtelet. J’ai demander pourquoi. J’ai compris que c’était parce que j’ai cassé une porte. L’ ASSFAM m’a donné un papier comme quoi la police m’a frappé. Ils l’ont vu. Les policiers m’ont pris comme un chien. Ils m’ont dit : « Ferme ta gueule ! Tu vas voir ce qui va t’arriver ! »
J’ai un problème de santé qui me cause des douleurs. A l’infirmerie, on m’a donné des cachets pour dormir. J’ai dis : « Non, je ne veux pas de ce cachet. » Je me réveille la nuit de douleur. J’ai demandé à aller à l’hôpital. On m’a répondu :« Non, tu n’y vas pas. C’est pas toi qui décide. »
Je voulais appeler mon patron car il ne me paye pas. Il dit qu’il n’a pas d’argent. L’ ASSFAM m’a dit qu’elle ne peut rien faire. Ma femme a essayé d’appeler, il prétendait être parti en vacances. Après, je n’arrivais plus à le joindre. L’autre association (l’ OFII) a bien voulu appeler. Le patron a eu un peu peur. Il m’a donné 100 euros sur les 5000.
J’ai une femme, elle est enceinte de quatre mois. On est pas encore marié
car elle est mineure. Elle est venue me voir, ils m’ont interdit de lui toucher la main. Je suis resté une semaine sans basquette. Hier, ma femme n’en a ramené.
J’ai demandé l’asile car si je suis expulsé, je vais en prison parce que j’ai pas fait mon service militaire et aussi parce que je suis parti par bateau ( sans visa), ce qui est interdit.
Je suis ici, j’ai perdu mon travail. Je suis loin de ma femme."
• Des nouvelles du procès de l’incendie du centre de rétention de Vincennes
• Procès de l’incendie de Vincennes : feu c’est parti !
• Les sans-papiers enfermés à Vincennes se sont révoltés. Les inculpés ont maintenant besoin de soutien !
• Refusons le contrôle des chômeurs, qu’ils soient avec ou sans-papiers ! (Mcpl, Rennes)
• Dégueulons sur leur gueuleton : Inauguration au Musée de l’immigration annulée
• Mini guide : étrangers, sans papiers, vos droits aux allocations familiales
• Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, document de travail du Gisti
• Droit de circuler et protection sociale, Antoine Math
• Immigration choisie : le choix d’une précarisation utilitaire, Gisti,
À qui doit-on la création des centres de rétention, et de quand date-t-elle ?
Les locaux utilisés par la coordination depuis plus de 7 ans suite à un accord avec la Ville de Paris étaient voués à la démolition en raison d’un important projet urbanistique. Deux ans de négociations avec la Ville n’ayant débouché sur aucun accord quant à un relogement, la coordination a dû déménager en mai 2011 pour éviter une expulsion et le paiement de près de 100 000 € d’astreinte.
L’immeuble du 14 quai de charente permettait l’existence d’un centre social à Paris. L’espace disponible ayant été divisé par 10, cette fonction a été détruite, faute d’avoir su conduire la Ville à honorer son engagement de relogement. Contrainte au repli dans un local provisoire, la coordination maintient deux permanences d’autodéfense sociale afin de poursuivre l’enquête et l’action sur les droits collectifs et la précarité et un site internet destiné à mutualiser analyses et expériences de luttes.
Nous comptons agir à nouveau pour un relogement qui permette de développer des activités variées, auto-organisées et non marchandes, et appelons à signer en ligne et faire connaître Nous avons besoin de lieux pour habiter le monde. Merci d’indiquer à accueil cip-idf.org un n° de téléphone afin de recevoir un SMS pour être prévenus lors d’actions pour le relogement ou d’autres échéances importantes.
Pour ne pas se laisser faire, agir collectivement :
Permanences les lundis de 15h à 17h30
À la CIP, 13 bd de Strasbourg, Paris 10e, M° Strasbourg Saint-Denis
Tel 01 40 34 59 74
Adressez questions, témoignages, analyses, conseils :
Précarité : écrire à permanenceprecarite cip-idf.org
Assurance-chômage des intermittents du spectacle : écrire à cap cip-idf.org
Pour soutenir la coordination des intermittents et précaires, envoyez vos chèques à l’ordre de AIP à la CIP-IdF, 13 bd de Strasbourg, 75010 Paris. Sur demande une attestation peut vous être fournie.