L’immoralité ouvrière est constituée par tout ce par quoi l’ouvrier contourne la loi du marché de l’emploi telle que le capitalisme veut la constituer.
La société punitive, cours au Collège de France. 1972-1973. Michel Foucault
Les conseils annoncés sont plus bas, à mi-page. On lira par ailleurs un texte qui clarifie ce qu’il peut en être du rapport au droit de ceux qui refusent de se laisser gouverner. Il présente une saisissante synthèse de ce que peut être un rapport offensif à la légalité et aux institutions chargées de la mettre en oeuvre. La logique qu’il propose est applicable aux litiges en matière de droit social, partout où des « ayant-droits » et des collectifs engagent des batailles sur ce terrain : Se défendre .
Zoom sur une pratique qui se répand, source d’angoisse supplémentaire pour les chômeurs. Une dérive du système aux motifs peu avouables que ses victimes peuvent aisément contrer... à leurs frais.
Avec la crise et l’explosion du nombre d’inscrits à Pôle Emploi, un nouveau mode de suivi visant à faciliter la tâche de conseillers débordés a pris de l’ampleur : la convocation pour « entretien téléphonique », qui se substitue à la convocation en agence dans le cadre du « suivi mensuel personnalisé » ou SMP (certes, la modalité peut aussi arranger l’intéressé qui n’aura pas à se déplacer, mais elle a son revers...).
C’est ainsi que plus en plus de chômeurs reçoivent un courrier de Pôle Emploi leur fixant rendez-vous tel jour pour un « entretien [qui] se fera par téléphone à votre domicile entre » telle et telle heure. Et, parfois, il y a des loupés.
Le ratage le plus signalé, c’est celui où Pôle Emploi vous pose un lapin : le chômeur attend bien sagement à côté de son téléphone, qui ne sonne pas. Puis, la fourchette horaire dépassée, il appelle le 3949 pour avoir des explications, qu’on ne lui fournit pas. On lui dit qu’on ne peut pas lui passer son conseiller, mais on prend note de son appel en lui assurant qu’il sera recontacté ultérieurement. Par précaution, s’il a son adresse e-mail, le chômeur va écrire à son conseiller. Une fois, deux fois... et pas de réaction.
Ensuite, dans les jours qui suivent et à sa grande stupeur, le chômeur reçoit une lettre d’« avertissement avant radiation pour absence à entretien mensuel » où il est, sans vergogne, mentionné que « Vous n’avez pas répondu à ma convocation téléphonique » (alors que c’est le conseiller lui-même qui a failli !) avec rappel des articles du Code du travail et autres formules menaçantes agitant le spectre d’une sanction. Si ce n’est pas, directement, un avis de radiation pour une durée de 2 mois.
Ceci est parfaitement illégal !
Comme le rappelle Michel Abhervé sur son blog, « ces radiations sont sans base légale, Pôle Emploi n’étant pas en mesure d’apporter la preuve irréfutable de sa tentative d’entrer en contact avec le demandeur et, de surcroît, cette modalité ne correspond pas juridiquement à une convocation ».
Le fait a été confirmé par Benoît Genuini, premier médiateur national de Pôle Emploi, en page 37 de son rapport paru en avril 2010. « Si la pratique de l’entretien téléphonique existe, elle n’est qu’à usage positif, seulement pour rendre service aux personnes qui éprouvent des difficultés de déplacement », y précise-t-il. Et sur ce point, le règlement de Pôle Emploi n’a pas varié.
Qu’on se le dise : un entretien téléphonique n’a aucune valeur. Dans le cadre du SMP, seul compte l’entretien physique en agence fixé au préalable par une convocation adressée par courrier postal.
Ami(e) chômeur ou chômeuse, si vous devez faire face à une telle mésaventure, respirez un bon coup et restez zen, car vous êtes dans votre bon droit. Mais, éternel coupable, pour vous laver de cette faute que vous n’avez pas commise, il vous en coûtera le prix d’une lettre recommandée avec accusé de réception...
Comment ça marche ?
Sur un plan technique, lorsqu’un conseiller Pôle Emploi adresse une convocation à un chômeur, pour quelque raison que ce soit, si les incontournables « conclusions d’entretien » n’ont pas été saisies dans son dossier via un code spécifique détenu par l’agent, cela enclenche l’envoi automatique d’un avis de radiation. Le chômeur a alors 15 jours pour se justifier, d’où l’obligation fastidieuse de répondre/protester en LRAR dans les délais impartis. Sur la base de ces « observations écrites », la simple entrée des « conclusions d’entretien » manquantes « ” toujours avec le fameux code »” dans son dossier permet d’annuler la procédure engagée.
Et c’est là qu’on peut rire (jaune) quand Pôle Emploi vous confirme enfin par écrit qu’il lâche l’affaire sans un même un mot d’excuse, sur un ton moralisateur, condescendant et empreint de mauvaise foi.
Par contre, il n’est pas possible de se voir radié par un quelconque automatisme ou par la faute de l’informatique, car toute radiation effective est saisie manuellement par une personne habilitée (en général, le directeur d’agence) : l’ordinateur seul ne peut absolument pas le faire. Donc, pour en arriver là, il faut vraiment le vouloir, que ce soit de la part du chômeur... ou de Pôle Emploi.
C’est peut-être voulu
Une conseillère relate une réunion de service en agence à laquelle elle a assisté. « Notre aimable direction nous a sermonné sur l’insuffisance des radiations observées, notamment concernant les suites à propositions d’offres d’emploi (non envoi de CV, absence de candidatures, etc.) et absences à rendez-vous téléphoniques avec un argument ............ étonnant : On lance la procédure, si le demandeur proteste ou fournit un argument valable, on abandonne la procédure de radiation mais sinon, « ça en fera toujours un de moins » (l’expression n’a pas été employée, mais c’était clairement le message !)... »
Par ailleurs, Recours Radiation [Site de référence doté d’un forum où les questions posées par qui veut peuvent être abordées collectivement, pour tout ce qui est de la réglementation, des recours, des procédures, etc. NDR] dénonce le fait que ces abus sont permis par le système informatique de Pôle Emploi, qui a été conçu en intégrant les convocations pour « entretien téléphonique » alors qu’il ne l’aurait pas du... Ce qui permet ainsi d’expédier à tort et à travers des « avertissement avant radiation pour absence à entretien mensuel » ou des avis de sanction sur ce motif pourtant illégal.
Xavier Bertrand l’a dit : son objectif, c’est de faire passer le taux de chômage en dessous de 9% d’ici la fin de l’année... Amis chômeurs, ne vous laissez pas abuser !
Et pour toute situation inextricable, n’hésitez pas à saisir le nouveau Médiateur :
Jean-Louis Walter
Direction Générale de Pôle Emploi
1 avenue du Docteur Gley
75987 Paris Cedex 20
mediateur.national pole-emploi.fr
SH
Souce : Actuchômage
Jongler avec le contrôle, zapper le suivi
On peut (on doit ?) choisir de ne pas donner son mel comme moyen de contact à Pôle, car rien n’oblige encore à en disposer, ni à être régulièrement connecté, et que cela peut attirer des ennuis, faire perdre du temps dans des litiges, voir : Pôle emploi : Non à la dématérialisation des courriers, non aux radiations. Si vous l’avez déjà donné, il est possible en passant par votre « dossier perso » internet chez Pôle, de revenir sur ce choix.
Idem, si cela peut être utile de donner son tel dans certains cas, on peut aussi éviter de le donner son téléphone comme moyen de contact, ça n’est pas obligatoire. Là aussi, il est légalement possible de rectifier ou faire rectifier ses informations personnelles, a priori sans difficultés (c’est la loi, ils doivent l’appliquer).
D’une manière génrale, dès que l’on vous dit quelque chose au Pôle, essayez de le faire notifier par écrit pour avoir une preuve, si ils refusent, commencez à faire du scandale, au moins à dire ! que si ils refusent d’écrire ce qu’ils disent c’est que ce n’est pas réglementaire ou pas légal. Ça marche pas mal, vous verrez. Et ça peut servir pour la suite.
Il existe des parades légales aux pratiques du Pôle :
• La radiation pour « absence à convocation » peut être annulée
• L’offre raisonnable d’emploi qui prévoit baisse puis suppression de l’alloc en cas de refus d’emploi [1] : quelque soit la réalité, lors de l’inscription et ensuite, toujours se déclarer « à la recherche d’un CDI temps plein » et au niveau de qualification et de salaire le moins bas possible, ça restreint le type d’emploi que l’on cherchera (éventuellement) à vous faire accpter sous peine de sanctions.
• Le « droit à l’accompagnement » [2], tout usager dune administration peut se faire accompagner de la personne de son choix (ami, voisin, collègue, membre d’un collectif, syndicaliste) lors de ses démarches. Avoir un témoin des pratiques de guichet les modifie, les désindividualise, cela montre déjà que l’on ne fait pas partie de ceux à qui peut être imposé une mesure, un stage, un emploi sans exercer droit de recours, scandalisation publique, etc. ; cela permet d’être deux à défendre une position, avec des arguments qui se complètent.
On peut utiliser certaine failles de la machine à précariser :
• Rater un entretien d’embauche si il est vous est imposé est des plus évidents. Comme disent les dominants, vous voilà « responsable mais pas coupables » car c’est alors l’employeur qui ne veut pas de vous dans l’emploi... dont vous ne voulez pas. Les façons de réussir ce ratage sont innombrables, adopter une « allure d’innemployable », parler de son envie de créer une section syndicale, vanter les mérites des conflits sociaux comme facteur de progrès, de l’intérêt de la grève, par exemple contre la réforme des retraites et proposer ça comme sujet d’échanges plutôt que ses « mérites », etc.
• Quatre façons de pe pas se rendre à une convocation en déclarant un congé. Dans le cadre des règles de Pôle emploi c’est (pour l’instant au moins) on ne peut plus simple.
Il s’agit d’utiliser une règle existante à ses propres fins : en principe, le chômeur doit déclarer à Pôle toute absence supérieure à 7 jours, dans la limite autorisée de 35 jours d’absence par année civile.
Première méthode pour pas y aller : Le chômeur qui s’est crée un « espace personnel » sur le site internet de Pôle emploi accède à son dossier puis y déclare un « changement de situation », en l’occurrence un congé, à cheval sur la date de convoc’ (24 ou 48H). Une absence à convocation durant un congé déclaré ne peut entraîner ni avertissement avant radiation ni radiation.
Il faut si possible déclarer ce congé 72H à l’avance afin que la convoc’ qui figurait sur la partie « agenda » du dossier internet en soit ôtée, histoire de pouvoir faire une copie d’écran de cette page qui, contrairement à la page de la déclaration de congé elle même, comporte le no d’allocataire. Cette copie d’écran servira de preuve en cas de litige.
En fait, cela marche actuellement sans respecter ce délai, mais soyons prudents. Ici, il vaut mieux « marcher dans les clous ».
Comme toujours, il est prudent face à ces institutions d’« agir en huissier », c’est à dire de garder une preuve (une copie d’écran, un reçu du dépôt des dates de congés délivré par le Pôle lors d’un passage en agence, un courrier en R-A-R) de sa déclaration de congé en utilisant comme dit plus haut la page agenda qui seule comporte le no d’allocataire, donc en respectant les 72 h de délai.
Les copies d’écrans de déclaration d’absence ne sont pas nominatives, leur valeur probante en cas de problème est donc limitée à la bonne foi présumée du chômeur. Cela pourrait causer des procès intéressants pour mettre en cause l’arbitraire du Pôle, mais on est nombreux à avoir autre chose à faire, et ces litiges finiront un jour par des procédures judiciaires sans qu’il soit forcément nécessaire de les causer sciemment [3].
L’action collective dans et contre les institutions sociales chargées de nous gérer et de nous contrôler modifie le rapport de forces, dès aujourd’hui, groupons nous !
Occupation du Pôle Emploi Convention : Radiation annulée !
Pôle Emploi Pantin : « Gardez-les jusqu’à la mort, vos fiches de paye »
Montreuil : à Pôle Emploi comme ailleurs, ne pas se laisser faire
Nous sommes tous des irréguliers de ce système absurde et mortifère - L’Interluttants n°29, hiver 2008/2009
Une fois de plus les nantis (eux qui sont assistés par le travail de tous) stigmatisent les « assistés » pour dresser les salariés et les pauvres les uns contre les autres.
Alors niet ! Dans les têtes, les paroles et les actes :
De la légitimité de frauder les minima et de quelques conseils à cette fin
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- Fier de ne rien faire, Les olivenstein
Télécharger le fichier : Fier de ne rien faire, Les olivenstein - MP3 - 2.4 Mo
Et, pour les Parisiens, avec ou sans fraude, un petit mode d’emploi de l’aide sociale municipale de la ville la plus riche du pays :
À Paris comme ailleurs, arr€t€z vos salad€s, balanc€z l’os€ill€ !
Les comportements de défense, les actions collectives s’inscrivent dans une perspective plus large. Il s’agit de mettre en cause cette société oligarchique et son idéologie du travail :
Ni emploi forcé, ni culpabilisation, ni management, grève des chômeurs !