Le verdict sera rendu jeudi 22 janvier 2009, 14ème chambre correctionnelle du TGI de Paris Métro Cité. Rdv à 13h pour aller chercher ensemble la relaxe.
Trois an et demi après « les faits », l’acharnement judiciaire de nos signeurs d’accords antisociaux a débouché sur une audience dont on lira ci-aprés trois récits ([HNS-infos-<http://www.hns-info.net/], Libération, L’Humanité).
Entre chambre correctionnelle, salle des pas-perdus et parvis du Palais, nous étions nombreux à être mobilisés. Le verdict sera rendu le 22 janvier.
Comme pour tout justiciable, la relaxe est la seule façon de ne pas risquer de tomber sous le coup de la "loi sur la récidive" qui prévoit des peines très fortement aggravées.
- Rassemblement pour la relaxe de Ludo et Michel, face au Palais de justice de Paris, 11 décembre 2008.
Ce jeudi 11 décembre, durant plus de quatre heures, s’est tenu le procès pour « violation de domicile » intenté, par la direction nationale de la CFDT, à l’encontre de Ludovic Prieur, animateur du webmedia HNS-info, et de Michel Roger de la Compagnie Jolie Môme [1]. Plus de 400 personnes étaient présentes pour les soutenir. Après avoir demandé aux témoins des deux parties de quitter la salle - pour revenir plus tard- la présidente du tribunal a exigé que seules les personnes assises puissent assister à l’audience. Les nombreux soutiens ont donc du quitter la salle ; certainEs allant rejoindre le rassemblement sur le parvis du palais de justice, d’autres préférant rester devant les portes de la salle d’audience.
Après que la présidente du tribunal ait rappelé le dossier en citant de nombreuses pièces, Michel et Ludo ont pu exprimer leur point de vue et confirmer qu’ils revendiquaient en effet le droit à l’occupation et que celle-ci avait pour but d’obtenir enfin un débat contradictoire avec la CFDT sur les droits sociaux. Lors de leurs interventions, ils ont pu, notamment, rappeler que la visite et l’occupation étaient des pratiques courantes et communes à de nombreux mouvements sociaux, aux activistes, aux défenseurs des droits et des libertés publiques, aux sans papiers, aux écologistes, aux associations de malades ... Reconnaissant leur participation active aux mouvements d’intermittents, de chômeurs et précaires depuis très longtemps, Ludo et Michel ont également dénoncé le rôle de la CFDT dans la suppression et la négation des droits sociaux au cours des quinze dernières années par la signature d’accords avec le Medef. Ils en ont profité pour souligner la non représentativité du syndicat notamment parmi les précaires, les intermittents, les chômeurs...
Les témoins de la partie civile étaient au nombre de six, toutes et tous salariés de la confédération syndicale CFDT, dont parmi eux plusieurs secrétaires nationaux. Ce lien employés/employeurs les empêchant d’ailleurs de prêter serment. Témoignages confus et imprécis sur les faits et leur déroulement se succédèrent. Aux questions circonstanciées des juges sur l’accès au hall d’entrée, aucun témoin n’a été en mesure de réponses précises et cohérentes.
Les quatre témoins des faits présentés par la défense ont quant à eux rappelé le déroulement de l’action incriminée et remarquaient sa similitude avec de nombreuses autres occupations n’ayant jusque là jamais occasionné de poursuites. De par leur propre présence dans cette salle d’audience, ces témoins revendiquaient ainsi leur présence dans les locaux de la CFDT ce 19 avril 2005. Ce fut aussi l’occasion pour elles de parler des luttes et des mouvements de chômeurs, intermittents et précaires et des conséquences sur la vie actuelle et future de millions de personnes des choix de la CFDT, du Medef et des gouvernements présents et passés.
Les quatre témoins de moralité de Ludo et Michel - André Chassaigne (député PCF du Puy de Dôme), Emmanuelle Cosse (journaliste), René Dutrey (conseiller Verts de Paris), Charles Hoareau (CGT chômeurs) - ont chacun à leur manière relevé le caractère choquant, injuste et surtout dangereux de cette plainte.
Ce fut ensuite au tour de l’avocat de la CFDT de prendre la parole... pendant plus de vingt minutes !
Commençant par « féliciter » les témoins des prévenus pour leur présentation quasi angélique des faits, il enchaîna sur un scenario du 19 avril 2005 truffé de violences... Il poursuivit en créant autour de Ludo et Michel une « mouvance », usant de pratiques « commando », dont les « leaders se dissimulent dans la masse », ... Puis vint le temps de la tribune politique. L’avocat l’affirmait alors que la CFDT son avait sauvé l’assurance chômage et revendiquait pleinement les accords signés avec le MEDEF. Dans la foulée, il se lança dans une longue tirade anti-intermittents du spectacle dont les allocations seraient à ses dires financées par « la caissière de supermarché ». Rappelant que ces métiers du spectacle ne font l’objet d’aucune « sélection à l’entrée », il a crânement invité ces professions à créer un fonds propre tout en leur souhaitant « bon vent ! »...
Pour finir il demandait la condamnation de Ludo et Michel afin de protéger les salariés de la CFDT et les intérêts de la centrale confédérale et se prévenir, ainsi par la loi, de telles pratiques. Il s’interrogea sur les conséquences d’une non condamnation sur les moyens dont devraient se doter la CFDT pour se protéger et émis l’hypothèse d’être obligé de faire comme « le PCF », « la CGT » et « même FO », à savoir avoir un service d’ordre constitué de « gros bras » munis de « manche de pioches »... (sic)
La représentante du parquet a conclu que le délit de violation de domicile était ainsi constitué et par conséquent demandé la condamnation de Ludo et Michel à une peine d’emprisonnement avec sursis afin que les deux prévenus comprennent avoir commis un délit et ainsi éviter de leur part toute récidive...
L’avocate de Ludo et Michel, Maître Irène Terrel a défendu la relaxe.
Tout d’abord, elle démonta avec aisance la « fable » de son contradicteur, déjà exprimée officiellement par la direction de la CFDT, en soulignant son contenu diffamatoire [2] : ce scénario de violence était pure invention comme en attestaient les rapports de police, les décisions du juge d’instruction, les témoins de la défense et les témoignages confus, contradictoires voire opposés de la partie civile. Elle souligna la « démesure » des propos, démesure très en vogue ces derniers temps dans les palais de justice...
Puis Maître Terrel donna la démonstration de la non constitution de « violation de domicile » tout en affirmant qu’il s’agissait en effet d’une occupation. Au terme de sa plaidoirie, elle insista sur l’utilisation de la justice de la part de la CFDT, au travers de ce procès, pour régler les conflits sociaux et avertit le tribunal des conséquences d’une judiciarisation des conflits et de la criminalisation des mouvements sociaux et de leurs modes d’action.
Le tribunal rendra son verdict le 22 janvier à 13h30 au TGI de Paris, dans cette même 14ème chambre correctionnelle.
La mobilisation doit donc se poursuivre pour obtenir la relaxe de Ludo et Michel. Comme dans tant d’autres cas, leur condamnation ne serait autre qu’une judiciarisation et une criminalisation des conflits sociaux. Comme depuis le début elle s’inscrit dans l’actualité des luttes des précaires et de celles de la défense des libertés publiques.
La CFDT à la poursuite des intermittents (Lbération)
A LA BARRE
Syndicat. Deux manifestants étaient jugés pour s’être introduits dans les locaux de la centrale en avril 2005.
KARL LASKE
Le procureur de la République de Paris a requis, jeudi, une peine d’emprisonnement avec sursis pour « violation de domicile » à l’encontre de deux militants de la coordination des intermittents ayant participé à l’occupation du siège parisien de la CFDT, en avril 2005. Un syndicat « victime » d’une manif, c’est déjà rare. Mais qui dépose plainte et alimente pendant trois ans une enquête pénale contre des précaires, encore plus. Initialement saisi de faits de violences, dégradations et vol d’une affiche (!), le juge d’instruction a fini par constater que la CFDT n’avait rien de solide à reprocher aux deux militants, à part l’intrusion. Mais, au tribunal, la CFDT est toujours là. Militarisée par la présence, incongrue, de son service d’ordre au Palais de Justice.
« Meneurs ». Le premier prévenu, Michel Roger, n’est autre que le metteur en scène de la compagnie Jolie Môme. « Cette action était complètement pacifique, dit-il. Je suis entré tranquillement dans les locaux de la CFDT. Il y avait une exposition ouverte au public. J’ai 53 ans. Ce n’est pas moi qui cours le plus vite... Je ne comprends pas pourquoi ce syndicat s’en prend à nous. Depuis des années, nous perdons des droits par les accords que signe la CFDT. Je suis metteur en scène depuis 1973, je sais que je n’aurai que le minimum vieillesse. » En 2005, Michel Roger a lu un texte en sortant des locaux. Une photo a été prise. C’est ce qu’explique Marcel Le Maillet, l’ancien secrétaire confédéral du syndicat : « M. Roger était l’un des meneurs. On l’a vu sur les photos. » Le Maillet, à l’origine de la plainte pour violences, s’est fracturé le petit doigt de la main gauche en tombant, parmi d’autres, devant l’entrée. « C’était une chute collective », reconnaît-il.
Le second prévenu, Ludovic Prieur, n’était pas sur les photos. Il a lui même contacté les enquêteurs en apprenant que des recherches étaient entreprises sur le site d’information HNS.info, qu’il anime. La CFDT avait remarqué qu’un communiqué y avait été diffusé en temps réel. « J’ai participé à cette action, qui avait pour but d’obtenir un rendez-vous avec les responsables de la CFDT qui siègent à l’Unédic », raconte-t-il.
« Buzz ». Cette revendication est confirmée à l’audience par les représentants du syndicat. « Nous avons fait bien d’autres occupations, poursuit Prieur. Quand on pense que celle du Medef a duré cinq jours et que le Medef n’a pas déposé plainte ! » Les témoins de la CFDT, salariés et responsables, n’ont pas vu grand-chose. « Ces gens voulaient faire de l’agitation, du buzz, faire parler les médias », dit l’un d’eux. L’occupation n’a duré que quelques heures. Après une assemblée générale, les intermittents ont quitté les lieux sans réponse, encadrés par le service d’ordre syndical.
Témoin de la défense, le député (PCF) du Puy-de-Dôme André Chassaigne se déclare « époustouflé » des poursuites engagées par la CFDT. L’élu rappelle « quatre occupations d’entreprises menées par la CFDT ». Un siège social investi. Une direction retenue une nuit entière. « J’étais à leur côté dans cette forme de lutte, dit-il, et je suis choqué qu’un syndicat que je respecte s’en prenne à des intermittents en lutte. » La gêne s’empare de quelques cédétistes. Décision le 22 janvier.
CULTURE
Jolie Môme encore dans le collimateur de la CFDT (L’Humanité)
Procès . Le syndicat de monsieur Chérèque n’a toujours pas digéré la brève occupation de ses locaux, en avril 2005, par des intermittents et précaires. Compte rendu d’audience.
À la sortie de l’audience jeudi dernier, la nuit a déjà envahi les rues de Paris. Les gens de la CFDT quittent le palais de justice, entourés par des gardes du corps plutôt costauds. Une mise en scène pathétique, à l’image du procès intenté par la CFDT à l’encontre de Michel Roger, metteur en scène et directeur de la compagnie de théâtre Jolie Môme, et de Ludovic Prieur, animateur du webmédia HNS-info, qui s’est déroulé dans la 14e chambre correctionnelle.
Quelle faute auraient-ils donc commis qui autorise un syndicat à les poursuivre, alors même qu’un premier non-lieu dans cette affaire avait été prononcé ? Une occupation du siège national de la CFDT qui se transforme en « violation de domicile » ; une bousculade qui se solde par la fracture d’un petit doigt entraînant 55 jours d’interruption temporaire de travail - ce qui ne doit pas arranger le trou de la Sécu, mais c’est là une autre affaire - sur la personne de Marcel Le Maillet, secrétaire confédéral chargé de la sécurité des locaux ; le vol d’une affiche qui est requalifié en « dégradations ». Tout cela pourrait prêter à sourire. Sauf que rien dans cette affaire ne relève d’une vue de l’esprit. Depuis trois ans, et en dépit d’un premier non-lieu prononcé faute de « coupables », la CFDT a décidé de ne pas lâcher prise et de porter cette histoire au pénal.
un mode d’action pacifique
Ce jour-là, le 17 avril 2005, en marge d’une manifestation, des manifestants se rendent au siège national de la CFDT à Belleville. L’occupation des locaux durera moins de trois heures. Ils souhaitaient rencontrer Annie Thomas, secrétaire confédérale qui siégeait alors à l’UNEDIC et signait sans sourciller avec le MEDEF tous les textes rognant chaque jour un peu plus les droits des chômeurs et remettant en question les annexes VIII et X, dont dépendent les intermittents pour l’assurance chômage. Une bonne centaine de personnes pénètrent dans les locaux et parviennent à grimper jusqu’au septième étage. La description des faits - une hôtesse d’accueil « tétanisée » ou « momifiée », des gens qui « vocifèrent », une « masse indistincte, sans leader » - par la partie civile témoigne d’une seule certitude : ces intermittents, chômeurs et autres précaires n’avaient que de mauvaises intentions. Au fil des témoignages, pourtant, le tableau est moins apocalyptique. Au septième étage de la centrale syndicale, les occupants improvisent une AG, demandent à rencontrer un représentant de la CFDT. Au bout de quelques heures, tout ce petit monde quittera les lieux. Sans violence. Sans intervention policière. Entre-temps, et de la même manière, le siège du MEDEF aura été occupé sans que le syndicat patronal n’éprouve de telles velléités belliqueuses.
Parmi les témoins cités par la défense, André Chassaigne, député communiste du Puy-de-Dôme. « Époustouflé », il rappelle à la barre que l’occupation est un mode d’action auquel ont recours les salariés adhérents de la CFDT. Et de citer quelques usines du côté de Clermont-Ferrand où ils n’ont eu d’autres recours que d’occuper les locaux. Et de rafraîchir les mémoires en rappelant que la compagnie Jolie Môme « est allée dans les boîtes soutenir les travailleurs à la demande de la CFDT ». Un ange passe... Daniel Hoareau (CGT chômeurs) rappelle que « M. Ché-rèque est venu soutenir récemment les salariés de Carrefour Marseille » dans les mêmes conditions. « Si à chaque occupation de deux heures il y a procès, les tribunaux seraient vite engorgés », conclut-il malicieusement.
La plaidoirie de la partie civile s’est déroulée en deux temps. Il a d’abord été question de « dissimulateurs », d’« une masse indistincte, sans leader apparent ». Plus loin, l’avocat évoque avec beaucoup d’effets de manches une « mouvance ». L’ombre du grand complot invisible n’est pas loin. Enfin, nous aurons eu droit à un copié-collé des arguments du baron Seillière en 2003 - il était alors le
patron du MEDEF - pour justifier la grande braderie des annexes VIII et X. « Les intermittents, s’exclame l’homme de robe, coûtaient un argent fou... En 2003, on a resserré les boulons. Ce sont les caissières des supermarchés qui paient... » Entendre ça dans la bouche du défenseur de la CFDT !
« l’infraction n’est pas constituée »
Maître Terrel, avocate des deux prévenus, pointe avec une rigueur exemplaire les failles de l’accusation, mais surtout la mécanique invisible qui conduit à judiciariser, criminaliser et diaboliser à tout va. « On traîne en justice des gens venus occuper pacifiquement. (...) Les intermittents, les chômeurs et les précaires ne disposent pas du droit de grève. Le but était de demander des comptes à la CFDT sur les accords qu’elle signe, alors qu’elle n’est pas représentative de ces catégories. » Pour l’avocate, « le caractère d’intentionnalité fait défaut, l’infraction n’est pas constituée et, symboliquement, cette affaire est grave ». Elle témoigne d’une volonté de « discréditer un certain nombre de mouvements sociaux : collectifs de sans-papiers, de mal-logés, de précaires... ».
Les conséquences du verdict ne sont pas anodines, quand bien même il ne serait que « symbolique ». Si la justice donnait raison à la CFDT, combien de syndicalistes, de salariés seraient ainsi poursuivis ?
Le procureur a requis une peine modérée avec sursis pour « violation de domicile ». Le délibéré sera rendu le 22 janvier 2009, à 13 h 30.
Marie-José Sirach