Paris, le 4 décembre 2006
LETTRE OUVERTE A L’ASSOCIATION DES MAIRES DE FRANCE
Monsieur le Président,
Mesdames, Messieurs les Maires,
le mercredi 22 novembre 2006, nous, Intermittents et Précaires d’Ile-de-France, nous sommes invités au 89ème Congrès des Maires de France. Il nous fallait à nouveau interpeller les élus que vous êtes sur l’urgence de notre situation : l’imminente signature d’un nouveau protocole d’indemnisation d’assurance-chômage des intermittents du spectacle va exclure plus de 34000 d’entre nous.
Le protocole proposé le 18 avril 2006 et qui est en passe d’être signé, à l’instar de celui de 2003, ne prend aucunement en compte nos pratiques d’emploi et continue de favoriser les intermittents les mieux payés et les plus régulièrement employés. Qui plus est, l’Etat stoppe sa participation (AFSP et AFT) et la remplace par un fonds permanent de professionnalisation à hauteur de 105 millions d’euros, autant dire que les 34000 intermittents qui ont pu être rattrapés jusqu’ici se retrouveront directement au RMI, et seront les premiers d’une longue série.
La mission Latarjet, mandatée par le précédent ministre de la culture, ainsi que le rapport Guillot commandé par le ministre actuel ont montré l’importance de la culture dans l’économie des régions. Nous pensons que c’est la mission de l’Etat et des collectivités locales de soutenir ce secteur dynamique et de créer des emplois (intermittents et/ou permanents) pour les artistes et les techniciens qui tentent de faire accéder le plus grand nombre à la culture et qui créent du lien social. A travers les ateliers de sensibilisations, les rencontres avec les publics, le travail de laboratoire fait dans vos municipalités, c’est bien l’intermittence qui est l’outil largement utilisé partout pour justifier le forfait de ces conventions de résidences...
Les festivals, les salles de spectacles municipales, les petites scènes, tout ce réseau qui constitue la vie et l’économie culturelle locale repose sur des intermittents : les grèves de 2003 ont démontré à l’envie que la production de richesse induite par nos activités dépasse largement le strict secteur culturel.
Aujourd’hui encore nous affirmons à nouveau la non-rentabilité à court terme de nos pratiques. Et nous demandons aux élus, aux responsables associatifs ou syndicaux de prendre leurs propres responsabilités envers cette culture contemporaine, multiple, vivante, qui interroge le monde.
Est-il nécessaire de rappeler ici l’historique de notre lutte ? Le 26 juin 2003, sans concertation des premiers concernés, notre régime mutualiste des annexes 8 et 10 de l’UNEDIC a été réformé en un système de capitalisation des droits. Cette réforme menée par le MEDEF répondait à deux arguments : la réduction du déficit des annexes 8 et 10 et la réduction des abus liés au régime de l’intermittence. Les craintes dont nous vous avions fait part il y a trois ans se sont confirmées :
pour la seule année 2004 le coût de cette réforme est passé de 826 millions d’euros à 997 millions d’euros à l’UNEDIC. Parallèlement, sur les trois années 2004, 2005, 2006, 34000 intermittents ont été exclus du régime. Face à la mobilisation de l’ensemble de la profession, l’Etat a mis en place un Fonds Spécifique Provisoire pour l’année 2004 et un Fonds Transitoire pour 2005 et 2006 qui ont permis de rattraper les 34000 exclus. Le coût total de ce rattrapage s’élève à 177 millions d’euros ; nul doute que depuis la mise en place de cette réforme, les annexes 8 et 10 coûtent plus cher à la collectivité.
quant aux inégalités de traitement liées au calcul des indemnités, elles encouragent toujours des déclarations qui ne reflètent pas la réalité. Par ailleurs, le recours à l’intermittence pour des emplois permanents dans de grosses structures est toujours d’actualité.
Face à l’application de ce protocole qui n’a fait que creuser les inégalités de traitement d’indemnisation, la coordination nationale des intermittents et précaires (regroupement de 22 collectifs d’intermittents) a proposé un « Nouveau Modèle » d’indemnisation du chômage pour les travailleurs à l’emploi discontinu. Ce « Nouveau Modèle » a servi de base à l’élaboration d’une plate-forme de propositions communes au sein du comité de suivi à l’Assemblée Nationale. Ce comité de suivi qui regroupe des syndicats employeurs / salariés du secteur, des parlementaires de tous bords et la coordination nationale des intermittents et précaires, a déposé le 3 mars 2005 une Proposition de Projet de Loi sur la pérennisation du régime d’assurance-chômage des professions du spectacle, de l’audiovisuel et du cinéma dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle.
Cette PPL, signée par 153 députés-maires de tous bords, a été mise à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale le 12 octobre 2006. Hélas, une manœuvre de procédure du président du groupe UMP a interdit qu’elle soit mise au vote : il ne fait aucun doute que si tel avait été le cas elle aurait été adoptée.
Aujourd’hui, nous vous sollicitons afin que vous interveniez auprès du gouvernement et du Ministre des Affaires Sociales afin qu’il n’agrée pas le protocole d’accord du 18 avril 2006. Nous demandons aussi aux représentants du peuple que vous êtes que notre Proposition de Projet de Loi soit soumise au vote de la représentation nationale à l’occasion d’une prochaine niche parlementaire à l’Assemblée Nationale.
Ne doutant pas que vous partagerez notre souci de défendre la culture ainsi qu’un débat politique digne de ce nom, nous vous prions, Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Maires, de croire en l’expression de notre respect.
Coordination des Intermittents et Précaires d’Ile-de-France (CIP-IDF)