Aux lycéens/nes et étudiants/es français/es, aux rebelles d’octobre
et novembre 2005 et du printemps 2006, aux mouvements des précaires
d’Europe.
ON N’EST PAS FATIGUÉES
Lors d’une rébellion, la rencontre ouvre un champs de possibilités à
la fuite et à la résistance. En atteignant la Sorbonne, avec nos
caravanes, en vous accueillant dans nos universités, à Rome, Padoue,
Naples, Bologne et Turin, nous avons connu une rencontre heureuse.
Une rencontre qui pointe des éléments communs entre les choses
extraordinaires qui ont lieu aujourd’hui en France et celles qui sont
arrivées en Italie l’automne dernier.
Vos luttes sont aussi les
nôtres. Vos blocages sont aussi à nous, les rues parisiennes nous
attirent.
"On en a marre ! On est fatigués de votre chantage, nous voulons
vivre, nous voulons être heureux" !
La précarité est le chantage que l’on veut nous imposer, en France
comme en Italie, comme en Europe. Pourtant on nous demande d’être
créateurs, souriants, capables d’inventer des choses que personne
n’avait fait auparavant. Notre unicité, le caractère singulier,
jamais répétable de la créativité n’a pas de prix. C’est une pratique
qui n’accepte pas de chantages, qui ne veut ni pauvreté ni misère,
c’est une pratique toujours contrainte par les droits et les formes
traditionnelles du travail et de l’emploi.
Nous avons occupé nos universités pendant plus d’un mois l’automne
dernier sans imaginer ce qui se passerait ensuite à Paris.
Refoulés plusieurs fois par les charges de la police, nous avons
assiégé à 150 000 les palais du gouvernement et de la décision
illégitime. Nous avons, nous aussi, essayé de généraliser le conflit
contre la précarité et pour les savoirs et la connaissance. Mais en
Italie, une culture politique et syndicale obsolète peine à mourir.
Celle-ci pense encore la formation comme un terrain séparé de la
production, les étudiants comme une élite minoritaire et les luttes
contre la précarité comme un corporatisme. Nous mêmes avons peut-être
trop insisté sur l’autogestion des universités, au lieu d’envahir
sans cesse la rue, de savoir nous risquer pleinement à des formes de
« grève métropolitaine ». Ces formes extraordinaires qu’on voit à
l’oeuvre, dans la vitesse du blocage, la rapidité et la force de
l’indignation, durant les journées de mars et d’avril 2006 dans bien
des villes de France, et jusqu’à Paris, cette capitale du contrôle.
Nous avons aussi assisté, parfois en en étant les victimes, à la
férocité de la répression d’un gouvernement impopulaire et menteur.
3600 arrestation effectuées jusqu’ici : pour tous et toutes nous
demandons la libération immédiate, comme nous demandons la liberté et
l’amnistie pour les luttes sociales des dernières années en Italie,
où environ 8.000 personnes sont encore incriminées pour les
manifestations lors du G8 de Gênes.
Notre colère et notre bonheur ne
peuvent pas être jugées !
Nous voudrions maintenant poser une autre question, à savoir la
possibilité même d’une nouvelle rencontre. On sait, en effet, que
Sarkozy tente d’ouvrir une négociation hypocrite avec les syndicats
et qu’ils joueront peut-être le jeu. On sait que la « loi pour
l’égalité des chances » et le CPE ont été conçus pour aggraver les
conditions d’une précarité des jeunes déjà fortement présente dans
tous les pays d’Europe.
Nous avons participé à plusieurs éditions de la manif « Mayday » en
Italie, surtout à Milan les dernières années où nous fûmes des
centaines de milliers. Nous pensons qu’aujourd’hui la MayDay parade
de Paris peut être une formidable occasion de développer un tissu
commun de lutte contre la précarisation.
La MayDay se déroulera,
comme l’année dernière, dans de nombreuses métropoles et villes
européennes, mais nous croyons que celle qui aura lieu à Paris
représentera la possibilité pour tous de « changer de signe »
l’imaginaire, c’est-à-dire de donner une nouvelle impulsion au
souffle matériel des conflits européens.
L’Europe, la seule possible, est celle qui récuse sérieusement les
souverainetés nationales et les frontières. C’est l’Europe des
mouvements, des pratiques radicales, des instances irréductibles à la
représentation politique.
L’Europe du soulèvement concret des
précaires qui demandent droits, revenu, bonheur, vie : cette Europe
est aujourd’hui à Paris ; ce Premier mai, elle sera là, à la MayDay
parade de Paris !
Nous sommes disponibles à ouvrir un parcours en ce sens. Un parcours
qui nous conduira à la construction des trains, parce que la mobilité
est un droit qu’il ne faut pas payer. On arrivera ainsi à Paris le
1er Mai. Il s’agit d’un parcours que nous voudrions ponctué
d’échanges, d’élaboration commune, de contamination réciproque,
d’envie de partage même dans les moments les pires qui nous sont
imposés.
Nous proposons aussi que le 2 mai soit organisée une grande
assemblée européenne des étudiants et des précaires. Cette
proposition est déjà la recherche pratique et la matérialisation
d’une possibilité ! Nous ne sommes pas simplement solidaires de vos
luttes.
Vos luttes sont aussi les nôtres, votre victoire est aussi la
nôtre !
De l’automne italien au printemps parisien, on avance.... on n’est pas
fatigués !
Étudiants et précaires en lutte.
(roma, padova, venezia, bologna, pisa, napoli, torino, trento,
trieste, vicenza, alessandria)