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Interv CIP-IDF au colloque du 23/05/05 : « Unédic et transformations du salariat »

Publié, le lundi 6 juin 2005 | Imprimer Imprimer |
Dernière modification : lundi 17 avril 2006


La négociation de la prochaine convention Unédic est à l’ordre du jour.

Voilà le texte de la CIP-IDF « Unédic et transformations du salariat » lors du colloque « Quels nouveaux droits sociaux, face à la précarité de l’emploi (?) » (23/5/2005)

D’autres contributions sur ce thème suivront afin de nourrir la préparation de l’assemblée générale de la CIP-IDF mardi 21 juin à 19h qui sera pour l’essentiel consacrée à l’Unédic.


« Unédic et transformations du salariat »

Participant à la coordination des intermittents et précaires d’Ile de France je voudrais tout d’abord attirer l’attention sur cette appellation, sur ce qu’elle désigne de composite, par-delà l’hétérogénéité des salariés qui dépendent du régime d’indemnisation chômage des intermittents du spectacle. Pourquoi dire ainsi intermittents ET précaires ? Il s’agissait, par le choix d’une telle dénomination, d’initier une action collective en cherchant à se prémunir de toute clôture corporative ou identitaire ; de ne céder ni sur le caractère interprofessionnel d’un régime de droits collectifs que nous défendons et voulons voir substantiellement renouvelé, ni sur l’enjeu social majeur de la précarité de l’emploi, dans l’emploi et hors de l’emploi.
On voulait nous séparer par une réforme qui effectue un tri au mépris de nos pratiques d’emploi, par des mots qui assignent : artistes OU techniciens, salariés du spectacle vivant OU de l’industrie culturelle, intermittents OU précaires. Nous avons cherché la rencontre. Et d’abord celle des premiers visés par des lois faites sans eux.

Ce conflit salarial déborde l’entreprise et l’emploi.

Lors de la réforme des annexes VIII et X de l’Unédic, en juin 2003, la communication gouvernementale mettait en avant une rationalité comptable, supposée résorber le « déficit » de l’institution, et des arguments moraux de dénonciation des « abus » pour créditer l’adoption de ce protocole d’un hypothétique « sauvetage du régime ». Près de deux ans plus tard, il faut bien reconnaître que ces arguments n’en étaient pas : parce qu’il assure davantage d’allocations aux intermittents les plus régulièrement employés et les mieux payés, ce protocole comporte un coût économique accru. Son coût social en termes d’éviction et de précarisation a pour pendant des difficultés, souvent insurmontables, pour les salariés du secteur, et, par voie de conséquence, tend à restreindre la richesse et la diversité de la production culturelle. Pour le comprendre il est nécessaire de rapporter quelques dispositions clé de ce protocole aux pratiques d’emploi et au travail des intermittents.

Une distinction doit tout d’abord être posée : on ne peut confondre en ce domaine l’emploi et le travail : le premier se mesure, certes difficilement, alors que le second, plus labile et diffus est en revanche très difficilement quantifiable, voire inquantifiable. Vertige éthique. Comment, si ce n’est résoudre, tout du moins poser une équation dont l’une des données n’est pas quantifiable ? On fera du travail une variable dépendante de ce temps d’emploi mesuré qui ne le recouvre pourtant en rien. Certes, on aura entendu fréquemment l’exemple des répétitions non payées au chapitre de ce travail qui excède l’emploi. Et l’on voit aujourd’hui les financements publics à la culture dépendre du contenu en emploi de productions soumises dans le même temps à des contrôles déstabilisants. Mais qu’il s’agisse de l’entretien et du renouvellement d’une qualification, y compris lorsque celle-ci est réputée « non-artistique », du travail de préparation, de documentation, de l’entretien d’un réseau relationnel, des essais, expérimentations ou projets qui ne débouchent pas sur une valorisation économique, il reste rigoureusement impossible de ramener le travail au volume horaire d’emploi. C’est pourtant ce que tend à faire l’Unedic dont le financement repose sur un mécanisme de cotisations salariale basé sur la durée d’emploi et qui voudrait mesurer les droits strictement à cette aune.

Prendre la partie pour le tout, l’emploi pour le travail, ne peut que conduire à des règles infernales. Ainsi, la distribution de l’allocation chômage est fondée sur le calcul du « salaire journalier de référence ». Selon ce mécanisme, dès que le montant d’un salaire perçu lors d’un contrat de travail est supérieur à ce SJR, il en découle des jours non indemnisés (par exemple un cachet de 140 euros pour un SJR de 20 occasionne non pas un mais 7 jours sans allocation chômage) : la situation d’affilié dépourvu de droit tangible se banalise. Dégât social certes, mais aussi profonde imbécillité des raisonnements technocratiques : alors qu’en fonction des postes occupés, des projets, des budgets, la variabilité des rémunérations est constitutive de la circulation des salariés intermittents parmi les emplois existants, ce mécanisme du SJR pose abstraitement l’emploi et le salaire et considère comme écart à la norme un grand nombre de phénomènes réels.

La suppression de l’ouverture de droits à allocation à date anniversaire fixe donne le la du dispositif en vigueur : l’aléa et l’incertitude caractérisent l’emploi discontinu. Cette incertitude et cet aléa se voient brutalement aggravés par la disparition de ce point de repère temporel que constituait la date anniversaire. Ce repère bornait une durée d’emploi elle même annualisée et permettait de se projeter dans l’avenir. On veut la disponibilité du salarié et l’annualisation du temps de travail tout en refusant à ceux qui la vivent, bien au-delà des seuls intermittents du spectacle tout support social. On invoque généralement le travail par projet pour qualifier une intermittence du spectacle née avec l’industrie du cinéma. Or, pour des salariés à qui l’on demande d’être entrepreneurs d’eux-mêmes, des salariés appelés à mettre en œuvre leur mobilité et leur polyvalence, à s’apparier successivement ou simultanément à divers collectifs de travail, ce travail par projet suppose une capacité de prévision parfaitement contradictoire avec l’insécurité instituée par la réglementation.

L’impossible réforme de l’Unedic ?

Dans la droite ligne de ce que l’OCDE a nommé l’« activation des dépenses passives », ce protocole Unédic encourage la course au cachet et au contrat au détriment des salariés et accélère ainsi la dégradation des normes d’emploi. L’instauration de divers minima sociaux venus faiblement pallier ses carences en est la démonstration : depuis plus de deux décennies, cette institution, créée pour répondre à un chômage conjoncturel, s’avère parfaitement inadaptée à un chômage structurel de masse.

Mais, alors que le plein emploi est désormais derrière nous, la précarisation du marché du travail se développe. Loin d’être une spécificité réservée aux intermittents du spectacle, l’emploi discontinu fait partie, tout comme le chômage, à un moment ou un autre et pour des durées variables, du parcours de la majorité des salariés : 3/4 des embauches actuelles ont lieu en CDD et la durée moyenne du CDD est de deux mois alors qu’il en faut 6 pour ouvrir droit à allocation chômage dans le régime général. On rétorque souvent à ce fait que ces « formes particulières d’emploi » sont statistiquement très minoritaires si l’on observe la totalité de la population salariée. Sans retracer ici l’emprise d’ensemble d’une flexibilité également interne aux entreprises, c’est négliger que nombre d’emplois précaires d’aujourd’hui ont pour forme le CDI, ce qui rend leur précarité effective indiscernables selon ce critère juridique. C’est le cas de bien des entreprises de services aux personnes, comme les luttes de précaires de ces entreprises (Mac Do, Pizza Hut, Virgin et d’autres) de ces dernières années ont permis de le découvrir, ou dans la grande distribution. Là, la précarisation ne vise pas tant à mobiliser la main d’œuvre mais à la maintenir à bas prix dans l’entreprise : quelque soit la durée d’emploi effectuée, démissionner d’un CDI interdit pour quatre mois, dans la plupart des cas, de percevoir une allocation-chômage. Notons également que les temps partiels contraints, essentiellement féminins, sont facilités par le caractère familial et non individuel des minima sociaux (derrière la sortie de la sphère privée que constitue l’accès massif des femmes à l’emploi, c’est encore le statut du chef de famille, le « brain-winner » des années 50 qui prévaut par ce biais).

La tendance est donc au plein emploi précaire, sans pour autant que des contreparties sociales à cette disponibilité de la main d’œuvre soit aucunement mises en oeuvre par l’Unédic ou d’autres institutions. Héritière d’une représentation paritaire instaurée il y a cinquante ans, l’Unédic relève d’une mission de service public mais fonctionne comme une véritable boite noire, boite noire dont l’opacité reste remarquable. Alors même que l’attestation la plus massivement délivrée par les Assedic énonce « en raison d’une durée de cotisation insuffisante vous n’avez pas ouvert droit à une allocation chômage », aucun de ses usagers ne peut exercer de droit de regard ou de contrôle sur son fonctionnement.
L’exigence d’une expertise indépendante et contradictoire de cette institution se voit répondre par un refus d’accès à des données individuelles anonymisées, puis une expertise gouvernementale permet de constater que cette institution, qui gouverne partiellement le sort de 22 millions de salariés du privé et de tous les précaires du public qui dépendent de ses règles d’indemnisation, ne dispose tout simplement pas de données fiables pour évaluer sa politique ou élaborer ses réformes, révélant, par exemple, que l’Unedic ne peut fournir aucune information sur les salaires dont les cotisations sont plafonnées, ne peut rien dire des rythmes de récurrence emploi/chômage, de la variabilité des salaires, etc.

Comment débattre alors de ce supposé « dysfonctionnement » qui fait de l’Unedic une source du financement de la production culturelle par l’entremise des allocations chômage ? Comment évaluer à quel point ce financement de la production flexible fait effectivement partie du rôle réel d’une institution qui se refuse à l’assumer ouvertement et n’en a en outre pas la moyens ?

On le voit avec cette « réforme » du régime des intermittents, ce qui est en cause, ce n’est pas le chômage comme envers du travail, mais bien le brouillage de ces frontières léguées par l’industrialisation. C’est très exactement ce dont il est également question parmi d’autres modalités d’imbrication de l’emploi flexible au non-emploi. Il est difficile d’en prendre la mesure, l’appareillage statistique est fréquemment en retard sur la réalité des phénomènes...
En instantané journalier, si on prend une photo, que l’on compte en « stock » faute de pouvoir préciser l’ampleur réelle des flux en cause sur une durée annuelle d’emploi (qui comprend des entrées et des sorties d’emploi constantes), les salariés intermittents de l’industrie, les intérimaires « sont » 600 000, les salariés en « activité à temps réduit » ainsi désignés parce qu’ils effectuent moins de 120 heures par mois « sont » 400 000, les « saisonniers » dont le revenu annuel dépend également d’un mixte de salaire direct issu de l’emploi et d’une part d’allocation, les vacataires, etc. ( ?) il faut pour être cohérent dans cette tentative de prise en compte de l’intrication de l’emploi flexible et du non emploi, inclure également une part des personnes dépendant des 9 minima sociaux existants : ainsi 250 000 allocataires du RMI occupent un emploi (le chiffre est ici référé au trimestre), leur revenu est également composé pour partie de salaire direct et pour partie d’allocation (dans ce « mécanisme d’intéressement », comme dit la loi, qui règle le cumul salaire allocation) on constate qu’une dimension essentielle de la reconnaissance du travail, de son organisation et de son contrôle réside dans l’articulation du salaire direct et de l’allocation.

On voit par là même que le chantier des droits sociaux à construire dans et face à la précarité excède un cadre, l’Unedic, par ailleurs fortement (pré)contraint par diverses mesures de modification de la norme d’emploi (« contrat d’avenir », contrôle des chômeurs, etc).
Nous aurons l’occasion d’aborder les contraintes et le possible par l’entremise des questions de financement et d’architecture institutionnelle qui font l’objet des échanges d’aujourd’hui, mais la bataille qui s’annonce à l’occasion de la réforme de la convention d’assurance qui vient à l’agenda cette année ne pourra faire l’économie de cet enjeu de l’articulation du salaire direct et de l’allocation. C’est d’autant plus nécessaire que le modèle d’indemnisation du chômage des salariés intermittents élaboré et promu par les coordinations d’intermittents et précaires n’a jamais eu la prétention d’apporter à lui seul une réponse sur cet enjeu.



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Mise en ligne le : 6 juin 2005



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