Nul ne peut le nier : la mobilisation des intermittents n’a pas faibli
d’un pouce.
Coordinations, syndicats ne cessent de plancher sur un
texte qui chaque jour fait la preuve d’un nombre invraisemblable
d’incohérences techniques qui rendent son application de plus en plus
aléatoire.
Restant sourd aux appels qui montent de partout, le
gouvernement laisse l’agrément du protocole d’accord du 27 juin sur les
annexes VIII et X UNEDIC suivre la voie définie par les textes.
La
nouvelle étape a lieu ce matin avec la première réunion à ce sujet du
Conseil supérieur de l’emploi.
Rappelons que la loi précise que " toutes les personnes intéressées
sont priées (...) de faire connaître leurs observations et avis au
sujet de l’agrément envisagé ".
En foi de quoi, la FNSAC-CGT a invité
tous les salariés à envoyer un courrier personnel s’opposant à
l’agrément et à inciter, individuellement ou collectivement, tous les
élus municipaux, départementaux ou régionaux ainsi que les députés et
sénateurs à faire de même.
Elle appelle aussi tous les salariés
intermittents à intensifier aujourd’hui les mouvements de grève, ainsi
qu’à faire de ce 25 juillet une journée d’actions, occupations,
manifestations et rassemblements.
À Paris, un premier rassemblement est
prévu, dès 9 heures, devant la délégation à l’Emploi et à la Formation
professionnelle, 7, square Max-Hymans, 75015 Paris (métro
Montparnasse-Bienvenüe), où se tient la réunion du Conseil supérieur de
l’emploi. Un autre rassemblement suivra à l’issue de la réunion.
Rendez-vous à 13 heures esplanade Henri-de-France (75015 Paris), devant
le siège de France Télévision.
L’amplification de la lutte est d’autant plus nécessaire que chaque
jour apporte son lot de révélations, qui se résument à une, à savoir
que le fort déficit du régime spécifique des intermittents n’est pas
tant dû à eux qu’à ceux qui les emploient.
Dans ce domaine, l’État est
le premier à donner le mauvais exemple. Il est plaisant, si l’on peut
dire, de voir Jean-Jacques Aillagon dénoncer les abus du système alors
qu’on ne l’a jamais entendu se plaindre que les chaînes de télévision
publiques fassent des économies en ayant recours à des intermittents
indéfiniment reconduits plutôt que d’embaucher. Un document
confidentiel de l’UNEDIC, publié par le Monde le 23 juillet, montre
que, parmi les quarante plus importants employeurs d’intermittents,
figurent en première position France 3, en deuxième position Radio
France et en troisième position France 2.
La suite de la liste est tout
aussi édifiante, tant on est loin de l’idée du malheureux producteur
fauché qui n’aurait d’autre biais que le détournement de la loi pour
que les auteurs géniaux mais incompris qu’il tente de financer puissent
s’exprimer. Pour ne citer que des noms connus de tous, on y trouve
Europa Corp (Luc Besson), TF1, M6, Canal Plus, Pathé Films, Les films
Alain Sarde (Canal+), UGC Image ou bien le parc d’attractions Euro
Disney, dont on ignorait que le volume de travail y était si irrégulier
qu’il avait massivement besoin d’avoir recours à l’intermittence ! En
bref, il s’agit bien d’une mise en coupe organisée qui se défausse sur
l’assurance-chômage pour prendre en charge une partie de la masse
salariale ainsi économisée par les employeurs.
Ce n’est pas aux
travailleurs de payer par un affaiblissement de leurs droits le déficit
de leur secteur. Les intermittents l’ont compris qui, ces jours-ci
encore, manifestaient devant les sociétés de télévision ou encore,
mardi soir, tentaient de bloquer au dépôt Filmor l’acheminement des
huit cents copies de Johnny English et des Larmes du soleil tirées pour
la sortie du lendemain. Christian Célérier (Mars Distribution),
distributeur de Johnny English, a sauvé la mise en assurant les
intermittents de leur soutien et en affirmant qu’il n’y aurait pas de
poursuites de sa part.
Jean Roy
Article paru dans l’ édition du 25 juillet 2003 .