Merci de prendre le temps de la lire et de la transmettre au plus grand nombre.
Qu’ouïs-je ?... Des manants se révoltent ?
Le MEDEF est riche. Il a les moyens de se payer les juristes, les analystes,
les services de communication compétents pour faire passer son message :
« on » paye trop de charges. Traduisez : « on » veut gagner encore plus en
s’attaquant aux régimes déficitaires.
Silence sur leur caisse de retraite, largement bénéficiaire ...et pour
cause.
Silence sur celui de la caisse maladie, largement bénéficiaire aussi, les
arrêts maladies étant rares pour des gens qui sont toujours dans l’angoisse
de « faire leurs heures ».
Cette parcellisation dans l’évocation de la crise est tactiquement finement
jouée. Les institutions politiques sont devenues les outils zélés du pouvoir
patronal dans sa recherche du rendement maximum. On veut purger les caisses
déficitaires, on conserve en l’état, les caisses bénéficiaires. C’est cela,
le libéralisme.
Merci la droite.
Pour résorber la situation « catastrophique » de la caisse ASSEDIC spectacle, il existe des solutions immédiates :
Que l’on fasse la balance entre les caisses « intermittents » bénéficiaires et celles déficitaires afin de ne considérer que le solde. La situation des
intermittents serait sans doute moins catastrophique qu’il n’y paraît en ce qui concerne la charge globale qu’ils représentent pour la société.
Que les 100 milliards de francs versés par l’Etat, dans les années 90 aux chefs d’entreprises pour « créer de l’emploi », et qui n’ont servi qu’à les enrichir un peu plus, soient reversés dans les caisses déficitaires. Les
intermittents ont fait partie aussi de ces gogo-contribuables. Merci la gauche.
Que le MEDEF fasse le ménage chez lui en chassant les patrons peu scrupuleux qui utilisent largement le système des intermittents... toujours pour réduire les frais et donc être « productifs ».
Que la valeur travail ne soit plus bradée au nom d’un libéralisme aussi radical qu’inhumain. Quels qu’ils soient, les spectacles devraient coûter plus chers parce qu’ils sont fait par des hommes et des femmes qui ont durement acquis compétence et talent. Si le travail était justement rémunéré
en fonction du temps passé non seulement à le faire, mais aussi à le préparer, la caisse ASSEDIC Spectacle ferait des économies substantielles.
Que les salariés ne soient plus les seuls à alimenter les caisses sociales des intermittents du spectacle. La culture s’adresse à tout le monde, et bénéficie à tout le monde. Les commerçants qui profitent largement des événements culturels sont en train de s’en apercevoir.
Ceci étant dit, les intermittents du spectacles sont les premiers, depuis longtemps, à dénoncer les dérives et les abus du système. Ils ne sont pas apparus par génération spontanée.
Certains employeurs ont vite compris le parti qu’ils pouvaient tirer d’un statut qui leur permet d’embaucher des permanents en ne les payant que deux mois dans l’année, le reste étant assuré par l’UNEDIC.
Le chantage au travail suffit à obtenir la complicité plus ou
moins forcée des employés. Et surtout, leurs silences. C’est ainsi qu’ont fleuri les assistants, chargés, ou directeurs de production derrière lesquels se cachent des comptables, secrétaires, quand ce ne sont pas des chauffeurs et autres standardistes.
Mais, plus grave, sont apparues des sociétés qui n’ont rien à voir avec le système. C’est ainsi, pour exemple, qu’une employée permanente dans une fabrique de structures gonflables pour l’événementiel devient « costumière ».
Certes, les abus ne sont pas que le fait des employeurs.
Mais sont-ils si nombreux ces intermittents qui, ayant fait relativement rapidement leurs 507 heures, profitent du statut pour s’offrir du bon temps aux frais de la caisse ASSEDIC spectacle ?
Sont-ils si nombreux ceux qui refusent de gagner plus que ce que leur procure leur indemnisation ?
C’est pourtant autour d’eux que l’on fait grand tapage.
Silence sur les conditions de travail qui se sont gravement dégradées en quelques années. Les « négociations » entre employés et employeurs n’existent pratiquement plus. Les contrats sont unilatéraux et donc souvent léonins.
Silence, en particulier dans le milieu de l’audiovisuel, sur un système féodal avec ses suzerains que sont les décideurs, ses seigneurs que sont certains producteurs (pas tous), et une poignée de réalisateurs et de techniciens qui ont eu la chance, (ou le talent) d’avoir été au bon moment, au bon endroit.
C’est une nomenclature puissante qui se partage le marché des programmes, des formations, des festivals, et est dans toutes les commissions, dans une bonne entente complice.
Ceux qui créent, ceux qui fabriquent, ceux qui travaillent ... ou rament pour travailler forment le gros peloton de la plèbe, corvéable à merci tant la lutte est dure dans ce monde qui défie le code du travail.
Silence, au moment où l’on parle de régionalisation, sur un jacobinisme outrancier et scandaleux. Les gueux de province représentent encore les 2/3 de la population française.
Ils alimentent donc, avec leurs redevances audiovisuelles, leurs taxes sur les spectacles ou sur les supports
audiovisuels vierges les divers fonds de soutiens comme le CNC et la PROCIREP.
Et ce, dans les retours vers la province en terme de production, et donc de volume de travail ?
Pour l’audiovisuel : 4% tout au plus. Pourcentage en baisse. Le reste, c’est pour la cour des rois, à Paris. La province, c’est aussi 2/3 de contribuables qui alimentent le budget de la culture. Rappelons qu’à eux seuls, l’Opéra de Paris et la Comédie Française en croquent la moitié. Sans commentaire.
Silence sur ces nombreux producteurs qui ne sont en fait que des gestionnaires de subventions. Ils ne misent rien, ne prennent pas même de risque de trésorerie et s’accaparent les droits d’un film dans lequel ils n’ont pas mis un sou.
Silence sur le long travail d’écriture des auteurs -réalisateurs qui n’est rémunéré que...par la Caisse ASSEDIC.
C’est pourtant ce travail d’écriture qui participe autant que le travail des producteurs au déclenchement des
subventions, qui crée de l’emploi non seulement pour lui-même, mais aussi pour de nombreux intervenants dans la réalisation de son film.
Il participe aussi quelques temps à l’économie d’une entreprise, avec son personnel permanent (bien souvent déclaré en intermittent), ses frais généraux, ses amortissements de matériel, etc ...
Dans n’importe quel autre domaine économique l’initiative, la responsabilité, la prise de risque (dont une dangereuse translation s’est opérée vers les auteurs - réalisateurs), la créativité sont rémunérées en conséquence. Pour la plupart des réalisateurs qui ont tout cela sur les épaules (en plus du travail) : non.
Concrètement. On aura compris que je suis réalisateur. J’ai une expérience d’une dizaine d’années, et je constate ceci : pour un même format de 52 minutes, quelque soit la masse de travail, quelque soit la manne de subventions générée par le projet [entre 45 000 et 160 000 euros, quelque soit le diffuseur (national, régional, câble)], ma rémunération est restée invariablement la même : un forfait global d’environ 12 000 euros décomposé comme suit : 9 000 euros bruts en salaire et 3 000 en droit d’auteur brio, permet au producteur de payer moins de charges sociales. Ne pas accepter, c’est ne pas travailler. Cela signifie quoi ? Cela veut dire que le système du forfait est devenu une sorte de SMIC, établi en fonction d’un tarif journalier bien en dessous de ce qui est prévu par la convention collective (la quoi ???), mais cependant suffisant pour que le réalisateur parvienne tant bien que mal à faire ses 43 cachets, et donc ses 507 heures.
Malin, non ?
Entre les enquêtes, la documentation, l’écriture, le repérage, la
préparation, le tournage, le dérushage, le montage, la conformation, et le
mixage, un 52 minutes représente un minimum de 200 jours
de travail.. Convenablement rémunérée, cette masse de travail devrait
permettre largement à n’importe quel auteur - réalisateur de se passer des
indemnités ASSEDIC.
Il n’en est rien. Pourquoi ?
Parce que les diffuseurs ne payent pas à leur juste prix les programmes
télévisuels. Sans doute.
Parce qu’il n’est pas normal que les subventions soient laissées à la seule
discrétion des producteurs, sans qu’ils n’aient de comptes à rendre à
personne, et surtout pas à ceux qui sont à l’origine de tout : les auteurs.
Parce que beaucoup de producteurs considèrent qu’ils doivent faire leur
marge sur les subventions drainées par le projet ( écrit par l’auteur,
rappelons-le), et destinées à la fabrication du film.
Parce que ne prenant aucun risque, et ponctionnant une bonne partie des
subventions pour faire marcher leur entreprise, ils sont obligés de faire
des économies sur le « compressible », c’est à dire sur le dos de ceux qui
ont le savoir-faire et fabriquent les films qui les font vivre : auteur -
réalisateur et techniciens.
Parce que dans ces conditions, il n’est plus essentiel pour lui de faire ce
qui est son vrai métier : mettre toute son énergie à faire de beaux films
pour qu’ils se vendent, et faire vivre l’entreprise avec le produit de ces
ventes.
Parce qu’on empoche sans vergogne, par exemple, des aides au développement
par le CNC et la PROCIREP et qui sont destinées en grande partie à payer
l’écriture de scénario et le
repérage. De repérage, point ... quant à l’écriture. Pas la peine. Les
auteurs sont des créatifs qui font ça par passion, c’est bien connu. C’est
un hobby, en quelque sorte...
Force est de constater que ceux que j’appelle des gestionnaires de
subventions ont toutes facilités pour utiliser le système des intermittents
et exploiter les forces vives afin de palier à leur déficience dans ce qui
devrait être leur métier : producteur.
Le procédé du forfait est si efficace qu’il commence à faire son oeuvre chez les techniciens. La journée de travail fait désormais 8 heures, quoiqu’il arrive. Ainsi en a décidé l’oligarchie des producteurs, au mépris du droit du travail. Encore un effort camarades.
Bientôt nous devrons nous contenter du privilège de travailler. Sans être payés, bien sûr.
La loi du silence est le fondement des systèmes mafieux.
Dans l’audiovisuel, les uns se taisent par peur de ne plus travailler, les autres par peur de perdre leurs privilèges. Au dessus de la mêlée, les seigneurs règnent en maîtres... et se goinfrent.
Soyons en colère, révoltons nous, mais gardons nous de faire des amalgames.
On accuse les diffuseurs. Soit. S’ils ne payent pas les programmes documentaires à leur juste valeur, c’est sans doute pour compenser le prix exorbitant des « créations » Endemoliennes et autres Delaruseries. Il faut bien vivre.
Face à ces grosses locomotives, en terme d’économie, les
documentaires ne font pas le poids. En terme d’abrutissement des masses non plus, d’ailleurs.
C’est précisément cela que les « irresponsables » de chaînes devraient considérer. La qualité, ça se paye. Et mettre un peu plus d’argent dans les documentaires ne sera jamais qu’une goutte dans l’océan de ce que coûte la clochardisation mentale que nous ingurgitons
quotidiennement.
Empêcher de penser, c’est préparer les sociétés totalitaires. Et qui sait si ce n’est pas la lutte qui sauvera l’image des chaînes et préservera une
petite flamme de révolte pour nos enfants ?
Et puis ça peut se vendre les documentaires, s’il sont bien financés et bien produits, par de vrais producteurs. Ca peut faire du profit. Les diffuseurs anglais en savent quelque chose.
Autant j’éprouve du mépris envers les nombreux " gestionnaires de
subventions ", grands spécialistes dans l’art d’utiliser le système de
l’intermittence, autant j’ai du respect pour les producteurs, les vrais,
grands ou petits, qui mettent toute leur énergie pour qu’existent les films
dans le respect du travail de chacun.
Si, si, il y en a.
Dans la lutte qui, je l’espère, ne fait que commencer, nous sommes à poil.
Nous sommes à poil parce que nous vivons dans une société où le mot « syndicat » est devenu un gros mot. Je le déplore.
Nous sommes à poil parce qu’en dehors de la défense des acquis sociaux et autres balivernes corporatistes, les syndicats n’ont pas su appréhender la vraie réalité, comprendre et analyser les nouvelles donnes, et proposaient
des solutions irréalisables parce que hors du temps.
Nous sommes à poil parce que des syndicats minoritaires se sont reniés en signant un accord scandaleux, prétendants de façon incroyable que « cela allait nous donner les moyens de faire pression sur les employeurs ». Ha, ha, ha ... Merveilleuse analyse pour des syndicalistes.
Nous sommes à poil parce que nous ne trouvons donc pas le syndicat dont nous
rêvons, tant les intérêts et les réalités sont divers entre les permanents et
les intermittents. Tant le monde du spectacle est complexe.
Nous sommes à poil parce que la révolte ne vaut que pour la défense de la dignité d’homme, piétinée depuis bien longtemps dans nos professions, et non pour la défense de quelques privilèges. Cette lutte là arrive toujours trop
tard.
Nous sommes à poil, mais nous avons la rage du désespoir.
Et ça, en face, vous ne l’avez pas compris. Je suis auteur/réalisateur.
Mon métier, révolté. Mon dernier documentaire sera pour vous dénoncer, vous et vos complices de la nomenclature audiovisuelle dont les airs et le langage, confits du « devouââr » de dénonciation des injustices et des l’exploitations de l’homme par l’homme, m’écoeurent. Pas besoin d’aller en Afrique ou en Asie pour cela.
Regardez donc dans votre gamelle.
Alors. Tant qu’à se suicider, ce sera dans
une grande gerbe... pas d’étincelles.
Je ne connais pas encore le format de ce ou ces documentaires (la série sera peut-être nécessaire), mais j’ai déjà son titre : « Voyage à Trouducul-land »
Quant à vous, saltimbanques de tous poils, qui sacrifiez vos « heures » pour la lutte.
Tenez bon. Je vous salue fraternellement.
Un gueux.
A bientôt.
Robert Desbois, frère de Robin des Bois, le justicier qui veut du bien aux intermittents, homme à tout faire depuis 1875 !