Avignon a du bon. Serrée dans l’enclos des remparts, la ville est propice aux rencontres.
Hier, 9 h du matin, place des Carmes, René de Obaldia. De
l’Académie française. Et du off. Un p’tit crème au tabac du coin qui n’a déjà plus de croissants. Mauvais signe : d’habitude, ici, les comédiens prennent leur petit déjeuner sur le coup de 11 h. Ils ne sont plus là,
pourquoi y aurait-il des croissants ?
C’est ici, ce matin-là, que travaille Nathalie Charbaut. Intermittente active, elle résume en une phrase son
travail : « J’ai lu de près l’accord. Je me suis toujours intéressée aux textes qui régissent nos métiers... Un protocole d’accord, il faut toujours le lire de très près. Chaque mot écrit a été pesé. Il faut peser chaque mot
lu... »
Aussi simple que ça !
Tout à l’heure aujourd’hui, vendredi 18 juillet , à 11 h, Nathalie Charbaut tient une conférence de presse à la Maison Jean-Vilar. Les interluttants, qui réfléchissent aux moyens de poursuivre la mobilisation alors que les troupes se dispersent, veulent faire entendre sa voix.
Cette jeune femme aux yeux de chat entre le vert et jaune, des yeux chartreuse, de son métier costumière et maquilleuse, mais de formation première et de goût, attirée par les sciences économiques, a depuis plus de dix ans pris
l’habitude de se pencher sur les textes austères qui dessinent le cadre de l’exercice d’arts très différents.
Elle n’a pas attendu le 27 juin dernier au matin pour se réveiller et, forte de ses découvertes, Nathalie Charbaut
vient d’adresser au ministre du Travail et des Affaires sociales, un mémoire et une lettre des plus courtoises pour attirer son attention sur les dysfonctionnements qu’elle a relevés. Après la parution du texte au Journal officiel du 12 juillet dernier, nous sommes dans la phase de quinze jours
incompressibles au cours desquels chacun peut adresser des observations avant la première réunion du comité supérieur à l’emploi.
Très au fait du dossier depuis 1992 et la première grande crise de l’intermittence elle travaillait déjà alors au Centre dramatique de Reims, dirigé par Christian Schiaretti, particulièrement attentif à ces questions , Nathalie Charbaut a suivi les différentes étapes de la réforme.
Des accords Fesac, la Fédération des employeurs du spectacle, de l’audiovisuel, du cinéma, accords intervenus en juin 2000, réactualisés en 2001, mais refusés par le Mouvement des entreprises de France (Medef), au rapport
Roigt/Klein remis en novembre 2002 et qui était une « contribution à la réflexion des partenaires sociaux sur les origines et les écarts entre les différentes sources statistiques sur les artistes et techniciens intermittents du spectacle et les aménagements à apporter au fonctionnement
des annexes 8 et 10 du régime de l’assurance-chômage », elle a tout suivi de très près.
Dès le vendredi 27 juin dernier, elle avait en mains le protocole. « J’ai très rapidement repéré le problème du glissement, établi un graphique facilement lisible et pris rendez-vous avec les tutelles qui m’ont, je le souligne, très rapidement reçue. »
Elle est à Reims où elle est née et travaille, au CDN mais aussi avec deux compagnies L’Alliage théâtre et Ici et maintenant.
Pour le dire d’une manière concise et simple, en lisant le protocole d’accord, cet esprit scrupuleux s’est aperçu que l’application stricte du texte pouvait entraîner une rupture d’égalité.
Elle choisit un cas très clair, basique, de deux jeunes techniciens lumière, travaillant sur une
période identique le même nombre d’heures. Dans le nouveau système, on peut
parvenir à l’aberration d’un traitement inégal : l’un demeure dans
l’intermittence, l’autre en sort, par le simple jeu de dates différentes de
quelques jours au cours d’un mois où tous deux auraient travaillé exactement
le même nombre d’heures.
Une répartition très légèrement différente des
jours, peut entraîner la radiation ou le maintien.
« A première lecture, on ne peut voir une telle conséquence, mais la projection de ce double cas est
très claire », souligne la jeune femme, sans nulle agressivité, mais avec la
conscience qu’il y a là les germes d’une injustice dommageable. Et c’est
vrai.
A Avignon, l’analyse de Nathalie Charbaut est au coeur des discussions de la fin de ce qui aurait dû être la deuxième semaine du festival.
A suivre. Et de près.
Armelle Héliot