J’avais l’intention de poster ce message sur le forum sous la rubrique ad hoc, mais son taux de fréquentation avoisine celui d’un chemin vicinal, et comme je suis sortie de l’AG de samedi passablement interloquée, je ne vois pas l’intérêt d’aller soliloquer à ce propos au milieu de nulle part.
Le discours paradoxal que j’entends en bruit de fond d’habitude est sorti samedi de son ronron. Il a même failli en émerger un vrai débat, le seul ou presque à mon sens qui vaille vraiment la peine, vite réprimé par la voix du consensus mou, ouf, on l’a échappé belle !
Un homme courageux est venu rappeler au micro que dans « cip », il y a « i » pour intermittents et « p » pour précaires,
c’est pourquoi les actions ne portent pas exclusivement sur la défense du statut des intermittents, ce en réponse à certains qui s’interrogeaient sur cette drôle d’idée d’avoir engagé une action la veille avec les grévistes de Mac’Do.
Il a poursuivi sur la question des motivations de chacun au sein de la coordination, posant que selon lui, soit les partisans de la lutte exclusivement corporatiste des intermittents n’avaient pas leur place ici, soit lui-même n’y avait plus sa place. Une interrogation claire, pertinente. Autant dire qu’il n’a pas été acclamé. Mais enfin, ça a failli se mettre à discuter. Sauf qu’aussitôt a surgi un Deus ex Machina parfaitement posé et raisonnable, qui en deux phrases échappées du manuel du parfait
syndicaliste y a mis bon ordre.
Rappel a été fait que la coordination était bien née après l’accord du 26 juin, sur la base de la défense du statut des intermittents.
Soulagement palpable de l’assemblée. A Star Academy, il n’y aurait pas eu photo ! Reste que, à propos de la coordination, je me demande bien pourquoi elle n’a pas été baptisée « ci-idf » tout court. Peut-être
que quelque part aux origines de sa naissance il y a le « PAP », « précaires associés de Paris », et que ceci expliquant cela, il
demeure un « p » dans « cip », qui n’a peut-être pas tout à fait rien à y faire ?
Quoi qu’il en soit cette question ne s’est pas posée. Rien de surprenant jusque là. La Villette, ce n’est clairement pas Lourdes,
on n’y vient pas pour les miracles.
Là où ça commence à m’interroger ET à me faire grincer des dents, c’est quand j’entends les mêmes envoyer ici et là le mot « solidarité » dans les airs comme s’il s’agissait d’un volant de badminton, s’enflammer pour un nouveau projet de société, affirmer l’émergence d’un monde nouveau.
Je ne plaisante pas, j’y étais.
La question que ça soulève en moi est :
ils le veulent où, les intermittents, leur monde nouveau ?
Ils ont l’intention de s’exiler sur Mars en petit comité dès que leur gros problème aura été réglé ?
A moins qu’ils comptent que les autres auront l’amabilité de leur abandonner la planète afin d’y créer entre soi ce nouvel
Eden ?
Ou espèrent-ils regagner une bulle si étanche, si autarcique, qu’elle occulte les mondes qui gravitent autour, très loin ?
Sait-on dans cette assemblée que certains membres pas vraiment inactifs de la coordination ne sont pas eux-mêmes des
intermittents ?
Qu’est-ce qu’être membre, d’ailleurs, de la coordination ?
Y oeuvrer ou être intermittent ?
Laurent, Jeanne, Jean-Marc Adolphe, par exemple, dont on ne peut pas dire qu’ils se tournent les pouces à longueur de journée ni que leur contribution soit parfaitement inutile, sont-ils des intermittents du spectacle ?
Je trouve sur la liste des interventions de profs ou d’autres non-intermittents dont l’apport n’est pas négligeable.
J’en profite pour préciser que je n’ai jamais fait partie du PAP. Que je n’ai pas et n’ai jamais eu le statut d’intermittente du
spectacle. Les intermittents, je vis avec l’un d’eux et ai travaillé longtemps exclusivement avec eux, je connais bien leurs
problèmes. Mais cette lutte s’inscrit pour moi comme pour d’autres heureusement dans des luttes plus larges.
Bref, j’ai subitement eu l’envie d’avoir un dictionnaire sous la main pour pouvoir exhiber sans contestation possible la
définition du mot « solidarité ».
Puisque la question de la cohérence du discours s’est posée dans un autre contexte, toujours dans cette même AG de samedi, j’avance ici qu’il est bien deux discours qui ne peuvent coexister : le discours corporatiste, et le discours disons
politique.
Parce qu’alors il n’est plus question, comme je l’ai parfois entendu dire, d’une quelconque contradiction inhérente à une complexité, ni même d’une progression maîtrisée du discours en fonction des urgences du calendrier, c’est autre chose :
on baigne dans le non-sens, le néant du discours.
Collectivement, c’est à ce stade que nous en sommes.
Est-il souhaitable d’en rester là ?
Pour être parfaitement comprise, j’ajoute que si ceux auxquels nous nous opposons n’ont pas forcément à savoir d’emblée où nous nous situons, il me paraît indispensable que nous au moins le sachions.
Je pense que les questions de la nature et de la dimension de la lutte engagée se doivent d’être posées. Il n’est plus temps
de faire l’économie des réponses.
Je ne dis pas que je n’aurais pas des préférences à ce sujet, mais peu m’importe au fond quelles réponses y apporteront les AG. Je n’appelle qu’à une cohérence du discours. Les luttes qui n’auront pas lieu ici se dérouleront ailleurs.
Solidairement,
Jacqueline
PS : ça n’a rien à voir, mais j’ai vu à Olympe un appel à s’inscrire à une brigade vélo. Quelqu’un peut-il m’expliquer de quoi il
s’agit ? Merci.