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Appel au public - Nous, Intermittents et Précaires

Publié, le vendredi 9 juillet 2004 | Imprimer Imprimer |
Dernière modification : jeudi 15 juillet 2004


Nous, intermittents et précaires, actuellement en coordinations,
voulons d’abord adresser cet appel aux nombreux exclus du régime
d’assurance chômage qui n’ont plus le temps, ni la force de continuer à
travailler à des choses d’importance ou de lutter.

Les chiffres officiels annoncent 21 700 exclus d’ici la fin 2004. 21 700 personnes, qui, silencieusement, iront s’inscrire au repêchage ou au RMI.

En ces jours d’ouverture du festival de théâtre le plus prestigieux d’Europe, c’est d’abord à ceux-là que nous pensons.

Aujourd’hui et pendant un mois vous allez assister à de nombreux spectacles.

Presque toutes les personnes employées dans les compagnies de ce festival, de la technique à la scène, dans le IN ou le OFF, sont des intermittents.
Ce festival est donc avant tout notre festival puisque nous y sommes présents et exposés.

Nous réfutons les préjugés qui conduisent à penser qu’il y aurait les seigneurs intermittents et les gueux précaires qui s’agitent dans la cour pour parler de droits sociaux collectifs et d’abrogation.
Nous voulons sortir de ces impasses.
Nous voulons sortir de ces mensonges.
Nous sommes ici aujourd’hui pour vous rappeler les faits et ouvrir avec vous, avec vous tous, de nouveaux champs d’action et de pensée.

Nous sommes en lutte depuis un an.
Nous nous battons depuis un an pour faire entendre nos voix.
Nous avons usé de tous les moyens : grèves, interruptions d’émissions, tracts, manifestations, expertise, création d’un comité de suivi à l’Assemblée nationale avec élus et syndicats de tous bords, conférences de presse, occupations de lieux symboliques comme la Villa Medici à Rome, le journal de France2, le cinéma Star à Cannes ou plus récemment le toit du Medef.

Nous avons pris des coups et des revers.
Nous avons aussi reçu l’approbation la plus forte dans les moments difficiles. Nous avons su maintenir une tension permanente entre l’action et l’élaboration précise de contre-propositions. Nous avons élaboré un nouveau modèle d’indemnisation des salariés intermittents.

Nous voulons partager ce travail afin de créer des pôles de résistance commune.

Nous persistons à dire que les effets de l’accord du 26 juin 2003,re-signé le 13 novembre, sont dévastateurs.
Ces effets, nous les subissons d’ores et déjà de plein fouet.
Les quelques avancées obtenues du ministre de la Culture n’entament en rien le fonds de commerce de ce protocole, de même que celui-ci ne résorbe en rien le déficit médiatisé.

Au contraire, depuis sa mise en application au premier janvier, il est clairement établi que la règle c’est davantage d’injustice. Cette logique implacable de destruction de la protection sociale est inacceptable.
Elle nous concerne tous.
Elle est à l’œuvre partout.
Nous la récusons ici comme ailleurs.

Nous déplorons depuis un an l’absence d’actes significatifs de nombreux directeurs de structures et de festivals.
Paroles de solidarité et débats ne suffisent pas.
Il devient difficile de continuer à travailler dans cette opacité et cette hypocrisie.
Nous déplorons aussi le manque de courage politique d’une génération qui en 68 bousculait un monde endormi et voulait mettre l’imagination au pouvoir.
Reste le pouvoir.

L’industrie culturelle prospère et rapporte de l’argent, elle ne va pas disparaître.

Ce régime d’allocation chômage nous laissait espace et temps.
Nous fécondions l’industrie culturelle dans ces temps.

Nous avons fabriqué avec peu.
Nous avons travaillé avec constance.
Nous avons dit des textes d’auteurs vivants dont personne ne voulait.
Ceux-ci font aujourd’hui la une des festivals. Et morts depuis.

Si les énoncés de théâtre ne traversent pas nos vies, si parler sur scène ne transforme ni le monde ; si des récits de chômeurs ne nous émeuvent qu’étalés sur les plateaux, dans le noir des salles, c’est que quelque chose ne va pas.

C’est de cela aussi qu’il nous faudra parler.
C’est à partir de là que nous pourrons nous penser autrement tandis qu’un grand nombre d’entre nous est en passe d’être éliminé du jeu.

Qui a dit que les plus précaires étaient les moins exigeants ?

Nous ne voulons ni carte professionnelle, ni caisse complémentaire.
Ni mourir de faim pour créer mieux ; nous ne sommes pas romantiques.
Pas toujours.

Les coordinations sont des territoires où s’inventent formes de vie et politique.

Où nos actes tentent de s’accorder à nos paroles.
Or nous avons tenu parole ; nous sommes toujours là.
Nous ne nous sommes trompés ni de cibles, ni d’objectifs.

Nous voulons trouver ici en Avignon des solutions pour qu’ensemble nous refusions l’inacceptable.



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Mise en ligne le : 12 juillet 2004



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