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Le 17 juillet 2003

Lettre de Robin Renucci


Lu à l’Assemblée Générale sous le hall de la Villette.

Publié, le samedi 19 juillet 2003 | Imprimer Imprimer |
Dernière modification : samedi 19 juillet 2003

Nous sommes tous ici, à l’Aria, particulièrement sensibles aux conséquences que l’abandon programmé du statut d’intermittent du spectacle fait courir à la culture en France, à son développement et à son rayonnement.


Si certaines grandes productions pourront continuer à se produire et à tourner, c’est bien plutôt les créateurs plus modestes, les auteurs, les compositeurs, les interprètes, les artisans, les techniciens moins sollicités mais aussi plus proches de vous, qui pâtiront.
Or, c’est oublier que c’est du foisonnement, et de l’émulation qu’il crée, que naissent bon nombre de créations. C’est nier également que seule la multiplicité, y compris la multiplicité des langues, peut être une réponse à l’unicité, à la massification, à la globalisation. Les petits projets artistiques « interstitiels » sont autant d’alternatives à une pensée unique et à un secteur culturel déjà souvent soit institutionnalisé et subventionné, soit soumis à la seule loi du marché.

Mais c’est sur un autre point que nous aimerions attirer votre attention aujourd’hui.

Il n’est certainement pas anodin que le statut d’intermittent du spectacle soit précisément remis en question alors que ce que l’on peut appeler « le nouvel esprit du capitalisme » est à son apogée. Les nouvelles formes d’organisation du travail, les valeurs et les statuts qui sont privilégiés par cette dernière « métamorphose du capitalisme  » ne sont plus celles qui avaient cours il n’y a pas bien longtemps : le salariat, la stabilité, le CDI... mais sont basés sur les qualités du « créatif » indépendant : la flexibilité, l’autonomie, l’initiative, l’engagement et l’individualisme, et sont relayés par des formules contractuelles de plus en plus individualisées, dans lesquelles le Droit du travail se dilue.

Que le MEDEF se montre particulièrement acharné à briser le statut actuel des intermittents du spectacle devient à la lumière de cette analyse bien plus intelligible, si l’on suit la logique patronale. Mais c’est moins alors les artistes et les techniciens du spectacle qui sont en ligne de mire que la pérennité d’un statut prenant en compte et compensant en partie ce que leur activité comprend de risques de précarité et d’aléatoire. Or, précarité et aléatoire sont en passe de se généraliser et de toucher bien des secteurs autres qu’artistiques.

En rabattant progressivement le statut d’intermittent, il sera alors aisé de l’appliquer à de nouvelles catégories professionnelles, le travailleur - tout travailleur - devenant un intermittent.
On arrive à ce paradoxe d’une société exigeant de chacun qu’il entreprenne et se montre créatif et innovant, mais où le risque et l’incertain liés à toute création ne sont pas pris en compte et laissés à la seule charge de l’individu.
Aussi, ne nous y trompons pas.

En mettant en garde, en disant « c’est la culture qu’on assassine », on profère certes une vérité à prendre au sérieux.Mais n’oublions pas que c’est également tout un système de protection sociale, basé sur le salariat, qui est en ce moment, mois après mois, mis à mal.

Dépeindre les artistes comme les derniers privilégiés est un contresens volontairement entretenu et destiné à les couper du reste de la population. Il serait plus judicieux de les considérer comme les premiers à avoir la malheureuse opportunité de pouvoir défendre un statut qui sera bientôt partagé par tous.
C’est en pointant cela que les intermittents du spectacle peuvent tisser des liens et créer de nouvelles solidarités avec l’ensemble de la population.

L’Aria étant avant tout un lieu de formation, la présentation des ateliers se poursuit, mais c’est à une telle solidarité avec les intermittents que nous invitons le public.

Le collectif réuni à l’appel de L’ARIA le 12 juillet 2003 à Olmi Cappella
Dans le cadre des 6èmes Rencontres Internationales de Théâtre en Corse





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