Communiqué de la cip-idf lu à la conférence de presse du 13 février 2004 à Paris pour le festival d’Avignon 2004
Nous, intermittents et précaires en lutte depuis plus de 8 mois, exigeons
du gouvernement l’abrogation du protocole réformant les annexes VIII et X
de l’Assurance-Chômage, et de son agrément. Nos propositions doivent être
entendues : nous voulons l’ouverture de véritables négociations avec
l’ensemble des concernés sur la base de notre Nouveau Modèle
d’indemnisation, Nous avons élaboré ce modèle à partir des réalités et des
pratiques concrètes de nos champs d’existence et de nos champs d’activité - qui ne sont pas obligatoirement superposables -, loin d’une logique
comptable supposée incontournable et qui sert de prétexte à la destruction
systématique de nos droits sociaux. Chacun doit désormais savoir que les
évictions massives du droit à l’indemnisation prévues pour 2004 ne sont
que le prélude à de nouvelles attaques : la convention Unédic doit être à
nouveau négociée cette année pour entrer en vigueur au 1er janvier 2005.
Le programme de Refondation Sociale élaboré par le Medef et la CFDT, mis
en ouvre par les partenaires sociaux et gouvernement franchira alors, si
nous ne nous y opposons pas, une nouvelle étape.
Les premières conséquences désastreuses de l’application du protocole
Unédic depuis le 31 décembre 2003 n’échappent à personne malgré la
reculade du Ministre de la Communication et des partenaires sociaux,
relative aux congés maladie et maternité. Chaque mesure de ce protocole
est structurellement destructrice, productrice d’aléatoire, et organise la
concurrence de chacun contre tous. Ce protocole n’a d’autre but que la
disparition pure et simple du régime d’Assurance-Chômage des intermittents
du spectacle, et sa mise en application sert de laboratoire dans le
processus de destruction planifiée des droits sociaux collectifs en France
et en Europe.
C’est pour ces raisons que nous refusons l’amputation au 1er janvier 2004
des droits Assedic et ASS dans le régime général, la réforme régressive du
RMI, l’instauration du RMA. La « mobilisation pour l’emploi » chère au
gouvernement impose la baisse des salaires, l’attribution de fonds publics
aux employeurs, le développement inacceptable du contrôle social et une
politique d’emploi forcé dont nous ne voulons à aucun prix.
Nous revendiquons la valorisation et l’usage d’un temps déconnecté des
asservissements de l’emploi : de pouvoir jouir, que l’on soit salarié, au
chômage, travailleur indépendant ou en formation, d’un temps non
assujetti, de la possibilité de développer des projets non rentables, de
la possibilité de développer un travail de recherche, de pouvoir jouir
d’un temps de coopération sans devoir rendre compte d’une quelconque
productivité. Avec l’application de la réforme Unédic, il sera à la fois
plus difficile de gérer son temps libre et de rester dans le régime. Que
deviendra notre liberté de choisir les projets auxquels nous nous
associons ? Que deviendra notre capacité de refuser des emplois ? Qui
financera l’énorme masse de travail qui était financée de fait - et ne
sera plus financée - par les Assedic ?
Nous refusons la politique de l’excellence. Une politique culturelle
fondée sur une logique discrétionnaire d’individualisation des subventions
et des financements, gérée par les institutions étatiques, ne fera que
maintenir, à côté de l’industrie du spectacle rentable, une culture sous
contrôle. À l’exception culturelle, gardienne de parts de marché, nous
préférons une culture sans exception. Et une culture sans exception ne
saurait faire l’économie de droits collectifs.
Nous refusons l’idée d’une « loi cadre pour le spectacle vivant », issue
d’une soi-disant consultation nationale, menée par la mission Latarjet ;
sous d’ignobles menaces & pressions du Ministère de la Culture. Ces
consultations visent explicitement à isoler les secteurs d’activité du
champ culturel.
Nous refusons toute application des dispositifs de l’AGCS (Accord Général
sur le Commerce des Services), qui vise à assujettir le bien commun et
l’intime aux lois de la concurrence et du marché.
Depuis le 17 décembre 2003 un comité de suivi sur la question des annexes
VIII et X a été mis en place à l’Assemblée Nationale. Il est composé d’une
majorité d’organisations (dont la Coordination Nationale des
intermittents, la CGT, la SRF.) et de députés UMP, UDF, PS PC et Verts.
Une plate-forme commune de contre-propositions a été remise aux
parlementaires et fera l’objet d’une conférence de presse le 25 Février
prochain. De très nombreux députés, sénateurs, maires, de tous partis,
nous ont affirmé dans le cadre de ces réunions qu’ils partageaient en tous
points nos conclusions sur l’analyse de la réforme des annexes VIII et X.
Ils sont fermement décidés à se prononcer publiquement afin que des
mesures concrètes soient prises très rapidement avant d’aborder des
négociations avec tous les concernés.
En vue des prochains scrutins électoraux (cantonaux, régionaux,
européens), nous avons décidé en coordination nationale les 3, 4 et 5
février à Clermont Ferrand, de demander à tous les candidats de prendre
position sur l’ensemble des points que nous venons d’évoquer.
Notre lutte se poursuit : le 1er mars, nous appelons à une journée de
mobilisation nationale qui se ponctuera par la 2ème édition du « K.O
social ».
Le 1er mai sera celui des luttes sociales européennes simultanément à
Barcelone, Milan et Lille.
Nous serons présents selon diverses modalités le 16 février au Bataclan,
le 21 février pour le cérémonie des Césars, le 28 février à celle des
Victoires de la Musique. Bien évidemment, rendez-vous est donné au
festival de Cannes.
Nous ne pensons plus possible de laisser recommencer normalement un
printemps et un été de festivals sans la satisfaction de nos
revendications. Nous ne pensons plus possible de laisser recommencer
normalement un printemps et un été de festivals sans la mise en ouvre
d’alternatives solidaires à la situation qui nous est faite, rassemblant
l’ensemble des forces et moyens des institutions du monde culturel.
La menace porte sur nos vies mêmes, nos capacités à faire et défaire des
mondes. À résister. À déjouer. À penser. Elle nous concerne tous, de là où
nous nous tenons. Dans la rue. Au travail. À la maison. À l’école. Cette
menace est concrète.
Nous avons peur que ce qu’il reste de commun à tous, soit justement la
peur. Une peur qui isole. Ce que nous avons partagé pendant ces mois de
lutte ne se mesure pas en défaite ou victoire. Les actions sont à la
mesure de notre colère et ne connaîtront pas de pause.
Nous vous invitons à faire de même partout où il n’est plus acceptable
d’accepter.
CE QUE NOUS DEFENDONS NOUS LE DEFENDONS POUR TOUS.